Archives de catégorie : Représentations

Parsifal au Capitole de Toulouse

La nouvelle année 2020 débute sous un ciel clément et le Théâtre du Capitole et son directeur Christophe Ghristi nous font un immense cadeau avec leur nouvelle production de Parsifal.

Les wagnériens toulousains, mais aussi ceux des quatre coins de France et d’Europe, l’attendent avec impatience.

Il est vrai que Parsifal est rare sur la scène toulousaine, bien que la création française de Parsifal ait failli être toulousaine. En effet le directeur du Théâtre du Capitole, Justin Boyer prépare la création française de cette œuvre dès l’annonce de la fin, au 31 décembre 1913, de l’exclusivité des droits détenus par le Festspielhaus de Bayreuth, mais cette création n’eut pas lieu du fait de la guerre franco-allemande survenue en 1914.

Ce n’est qu’au cours de la saison 1927-1928 que les toulousains découvrirent le 21 avril 1928, cette œuvre qui rencontra un très grand succès, le grand ténor Paul Franz était le Parsifal d’une des deux distributions de la série de 6 représentations dirigées superbement par Aymé Kunck, à tel point que le directeur de l’Opéra de Paris, l’immense Jacques Rouché tenta, en vain de lui proposer de prendre la direction de l’orchestre de l’Opéra.

Au cours de la saison 1950-1951, Parsifal fut donné en français par une distribution totalement francophone.

Ce n’est que 10 ans plus tard que Parsifal, revint à Toulouse en version allemande, noté comme excellent, dans la Dépêche du Midi, Fritz Uhl était Parsifal et Rita Gorr Kundry sous la direction d’Arnold Quennet.

En mars 1969, sous la direction du  chef franco-hongrois Georges Sebastian, une belle distribution avec Karl Josef Hering (Parsifal), Isabel Strauss, Hubert Hoffmann, Eduard Wollitz et Gustav Neidliger enchante  le Capitole.

Enfin, la dernière apparition de Parsifal à Toulouse n’intervient pas sur la scène du Théâtre du Capitole de Toulouse, mais dans la salle qui accueille depuis 1974 régulièrement les concerts de l’Orchestre du Capitole et parfois les opéras, à savoir la Halle aux grains de Toulouse, qui à cette occasion se transforme en un lieu magique selon l’impression qu’en retirèrent ceux qui ont eu le privilège d’assister à ces représentations en mars 1987 (dont plusieurs membres du Cercle Richard Wagner de Toulouse pour lesquelles ces représentations furent peut-être à l’origine de leur passion pour ce compositeur, ou tout au moins y contribuèrent ). La mise en scène et les décors étaient de Jean-Pierre Ponelle, les costumes de Pet Halmen et la direction musicale de Michel Plasson, qui lors d’une de ses rares apparitions dans la ville rose, depuis son départ en 2003 citera cette production comme une de ses grandes émotions musicales dans notre cité. La distribution réunissait dans les rôles principaux, Heinz Jürgen Demitz (Amfortas), Gerold Scheder (Titurel), Peter Meven (Gurnemanz) Barry Busse (Parsifal), Anthony Raffel ( Klingsor) et Nadine Denize (Kundry).

Photo : JC Meauxsoone.

Ce n’est donc que 50 ans plus tard que la sublime musique de Parsifal résonnera dans la salle historique du Capitole de Toulouse dans une nouvelle production mise en scène par Aurélien Bory et dirigée par Franck Beermann avec une magnifique distribution.

                                       Aurélien Bory                 Franck Beermann

N.Schukoff

 

 

               Peter RoseSophie Koch

  Mathias Goerne

 

Pierre Yves Pruvot

 

Julien Veronese

En partenariat avec le Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie, dans le cadre du Portrait/Paysage consacré à Aurélien Bory.

Diffusé sur France Musique le 29 février 2020 à 20h

Durée 5h30

26 janvier et 2 février 15h          28, 31 janvier et 4 février 18h

Tannhäuser Bayreuth 2019, la critique de Christian

Tannhäuser Bayreuth MMXIX

Merci à notre Cercle préféré de nous avoir permis d’assister à cette nouvelle production.

Sur Facedebouc et sur les réseaux asociaux, on trouve des critiques à charge, de la part de spécialistes qui ne l’ont pas vue. Grâce à iceux et icelles, il y a des places disponibles.

Sur la Colline sacrée, l’œuvre d’Art de l’Avenir est toujours expérimentale.

Dame Cosima, Messires Wieland et Wolfgang, respect et paix à vos âmes.

Notre Richard était, et serait encore dans la surprise de la nouveauté, et la provocation

Ouverture

Les hommes de théâtre ayant horreur du vide, la vidéo nous fait survoler la Wartburg, puis plonge dans la forêt, découvre une route, et un petit fourgon Citroën « tube ».

Quatre joyeux compagnons : Vénus au volant, Tannäuser en habit de clown, le petit nain (pléonasme) Oskar du film « Le Tambour » (Volker Schlöndorff), et un éphèbe LGBTP travesti transgenre etc. On n’a plus le droit de dire « y’a bon Banania », donc il est nommé  « Gâteau Chocolat ». Cette joyeuse équipée libertaire est rattrapée par le principe de réalité : jauge d’essence à zéro, glacière vide…

Arrêt à un Burger King pour faire le plein de malbouffe avec fausse carte bleue, et pour siphonner le carburant des autos du parking.

Un vigile s’interpose, se fait écraser par Vénus euphorique.

Acte I

Zu Viel ! Zu Viel !

C’en est trop pour Tannhäuser. Enfin une vraie faute à expier.

Tannhäuser est là et las, devant la photo de la Vénus de Botticelli.

L’équipe arrive de nuit en forêt de Grimm, devant une cabane de nains.

Gâteau Chocolat s’habille en Blanche Neige.

On entend l’appel des Sirènes à la radio.

Vénus et Gâteau Chocolat collent les affiches au slogan préféré de RW en 1848 :

« FREI IM WOLLEN ! »            (libre de vouloir)

« FREI IN THUN ! »                   (libre d’agir)

« FREI IN GENIESSEN ! »      (libre de jouir)

Scène de ménage Vénus Tannhäuser…

« Maria ! »

Tannhäuser saute en marche du fourgon.

Sur la route, le jeune pâtre à vélo le réconforte et annonce Mai, mois des amours.

Les Pèlerins sont les festivaliers habillés « en dimanche » qui se pressent vers le

Festspielhaus illuminé. Lavignac est parmi eux…

Les retardataires de la troisième sonnerie de trompettes se pressent sous le regard de la statuette de Richard Wagner.

Arrivent les acteurs de l’Opéra habillés en machinistes. Ils retiennent leur ancien compère. Elisabeth, à peine habillée, « tirée » de sa loge, arrive et lui en colle une.

Réveil « Zu Ihr ! » Il jette ses habits de clown. Vénus arrive trop tard.

Entracte

Dans les jardins extérieurs, autour du lac, Vénus et sa bande tapent le bœuf avec des airs de l’Opéra, et du rock. Autour de fourgon Citroën et des bouées de plage, le public d’intégristes qui vient de huer, applaudit… Vite ! Enfermons les dehors !!!

Acte II

Le format de scène est coupé en deux : en bas la réalité de l’action, en haut en vidéo les coulisses, les loges, l’action extérieure à la scène (Patrice Chéreau aimait aussi montrer l’envers du décor).

Grande Salle féodale, traditionnelle et rigide. Participants en habits noirs.

Elisabeth montre la preuve de sa vraie souffrance : une cicatrice sur son avant bras.

Retrouvailles de Tannhäuser et Wolfram. Ce « dernier » confie sa solitude à un mur dans les coulisses. Le machiniste le renvoie sur scène. Trompettes.

Pendant ce Temps Vénus (vidéo) entre par effraction, prend les habits d’une choriste,

Tannhäuser provoque un charivari (attends Richard ! plus tard dans les Maîtres !)

Vénus et sa troupe montent sur scène, malmènent la harpiste et Biterolf.

Vénus nous fait sa danse des sept voiles sur le chant de Tannhäuser…

Vénus fait sortir Tannhäuser du cadre, Elisabeth l’y ramène. Le Landgrave temporise.

Sauve qui peut ! En coulisse Katharina Wagner appelle la Polizei.

Tannhäuser part menotté « nach Rom »…

 

Acte III

Désolation. Tout est gris et glauque.

Vénus et ses deux compères squattent dans une zone de SDF, sous un panneau publicitaire, ferrailles, saletés. L’épave du fourgon sert d’abri. Oskar chauffe sa soupe dans son tambour.

Les Pèlerins de retour sont des « festivaliers » d’une autre sorte de festival hard rock métal après trois jours de pluie. Damnés de la Terre, ils reviennent absous de leurs péchés, et doivent se dém… Ils pillent tout ce qu’ils trouvent, ferrailles, tuyaux, antenne TV, réchaud…

Comme pendant au lied à l’étoile de Wolfram, le décor tourne, et sur le panneau publicitaire, on voit Gâteau Chocolat posant pour une publicité de montre de luxe sertie d’étoiles qui éblouissent la salle. Lui s’est intégré au système. Un de moins pour Vénus qui continue seule à coller ses affiches.

Elisabeth n’est plus la jeune fille avec lys couronne et tresses. Les cheveux lâchés, elle accroche sa robe blanche à un arbre mort. (lui aussi).

Wolfram chante son lied à l’étoile, prend les habits de clown de Tannhäuser.

Elisabeth, pas dupe l’invite à la « saillie ». Elle a retourné le page et tourné la page.

La petite mort précède la vraie. Elle se suicidera…

On n’a plus le temps de se laisser mourir de chagrin.

Post coïtum, animal triste…

Tannhäuser revient et déchire sa partition.

Oskar veille sur le corps sans vie d’Elizabeth.

La vidéo nous montre une fin hollywoodienne des deux amoureux virtuels (T + E)

en route en fourgon vers un coucher de soleil sur la forêt de la Wartburg.

Final orchestral. Clap de fin.

Plateau vocal et chœurs, exceptionnels.

Tannhäuser : Stephen Gould, déjà vu en Tristan

Elisabeth : Lise Davidsen, à suivre l’an prochain

Vénus : Elena Zhidkova, vraie Vénus athlétique, sensuelle, acrobate, dompteuse (sauf T), magnifique chantactrice que les Toulousains avaient pu admirer, somptueuse et dominatrice dans Fricka de la Walkyrie au Capitole de Toulouse en février 2018.

Landgrave : Stephen Milling

Certains ont hué Valery Gergiev !!! ???

Quand on est copain avec Vladimir Poutine, on ne peut pas être mauvais…

Christian Lalaurie, 23 août 2019

TANNHÄUSER

Opéra en 3 actes sur un livret du compositeur
Créé à Dresde (Hoftheater) le 19 octobre 1845
Version de Dresde

Mise en scène Tobias Kratzer
Décors et costumes Rainer Sellmaier
Lumières Reinhard Traub
Vidéo Manuel Braun
Dramaturgie Konrad Kuhn

 

Tannhäuser Stephen Gould Elisabeth Lise Davidsen
Vénus Elena Zhidkova Wolfram von Eschenbach Markus Eiche
Hermann Stephen Milling Walther von der Wogelweide Daniel Behle
Biterolf Kay Stiefermann Heinrich der Schreiber Jorge Rodriguez-Norton
Reinmar von Zweter Wilhelm Schwinghammer Un jeune pâtre Khatharina Kondari
Le Gateau Chocolat Le Gateau Chocolat Oskar Manni Laudenbach

Choeurs et Orchestre du Festival de Bayreuth
Chef des choeurs
Eberhard Friedrich
Direction musicale
Valery Guergiev

Bayreuth le 17 août 2019

 

A propos de Bayreuth 2019 Tristan et Isolde

Pour ceux qui n’ont pas  pu aller à Bayreuth cet été, et pour ceux qui en sont revenus, voici quelques critiques lues sur le net sur les   représentations du Festival de Bayreuth 2019 : après celles   de la nouvelle production de Tannhaüser,  celles de Lohengrin,  celles des Maîtres Chanteurs, celles de Parsifal, voici celles de Tristan et Isolde, production qui y est donnée pour la cinquième fois et dernière fois .

Vous pouvez soit les lire directement en cliquant sur le lien internet, soit les lire en téléchargeant les documents issus de ces articles du net.

la critique d’Olyrix de David Verdier

 

https://www.olyrix.com/articles/production/3359/tristan-et-isolde-wagner-thielemann-schlomann-lippert-kaiser-traub-choeur-festival-bayreuth-friedrich-orchestre-gould-zeppenfeld-lang-grimsley-nolte-mayer-akzeybek-stiefermann-article-critique-chronique-compte-rendu

 

la critique du Wanderer de David Verdier

 

http://wanderersite.com/2019/08/lage-de-deraison/

 

la critique de Res Musica de Michèle Tosi

 

Le Tristan sans filtre et sans magie de Katharina Wagner à Bayreuth

 

la critique de BR Klassik de Robert Jungwirth

 

https://www.br-klassik.de/aktuell/news-kritik/tristan-isolde-bayreuther-festspiele-kritik-thielemann-wagner-100.html

 

la critique de Forum Opéra de Jean-Claude Pennetier

 

https://www.forumopera.com/tristan-und-isolde-bayreuth-la-vraie-histoire-de-tristan-et-isolde

A propos de Bayreuth 2019 Parsifal

Pour ceux qui n’ont pas  pu aller à Bayreuth cet été, et pour ceux qui en sont revenus, voici quelques critiques lues sur le net sur les   représentations du Festival de Bayreuth 2019 : après celles   de la nouvelle production de Tannhaüser,  celles de Lohengrin,  celles des Maîtres Chanteurs, voici celles de Parsifal, production qui a été donnée pour la quatrième fois sur la Colline Verte .

Vous pouvez soit les lire directement en cliquant sur le lien internet, soit les lire en téléchargeant les documents issus de ces articles du net.

 

la critique d’Olyrix de David Verdier

 

https://www.olyrix.com/articles/production/3341/parsifal-wagner-opera-lyrique-orchestre-choeur-festival-de-bayreuth-laufenberg-30-juillet-bychkov-2019-schager-pankratova-mckinny-groissbock-welton-schwinghammer-article-critique-chronique-compte-rendu

 

la critique du Wanderer de Guy Cherqui

 

http://wanderersite.com/2019/08/bychkov-emporte-le-graal/

 

la critique de Res Musica de Michèle Tosi

 

Le Parsifal d’Uwe Eric Laufenberg sur la colline sacrée

 

la critique de Forum Opéra de Jean-Claude Pennetier

 

https://www.forumopera.com/parsifal-bayreuth-quand-les-mises-en-scene-se-bonifient-avec-le-temps

 

 

Semyon Bichkov, le chef d’orchestre de ce Parsifal, dont la direction est unanimement louangée.

A propos de Bayreuth 2019 Les Maîtres Chanteurs

Pour ceux qui n’ont pas  pu aller à Bayreuth cet été, et pour ceux qui en sont revenus, voici quelques critiques lues sur le net sur les   représentations du Festival de Bayreuth 2019 : après celles   de la nouvelle production de Tannhaüser,  celles de Lohengrin,  voici celles des Maîtres Chanteurs, production qui a défrayé la chronique lors de sa première représentation en 2017 .

Vous pouvez soit les lire directement en cliquant sur le lien internet, soit les lire en téléchargeant les documents issus de ces articles du net.  Bonne lecture.

Anne-Elizabeth Agrech

la critique d’Olyrix de David Verdier

 

https://www.olyrix.com/articles/production/3336/die-meistersinger-von-nurnberg-orchestre-et-choeurs-festival-de-bayreuth-wagner-27-juillet-2019-kosky-jordan-volle-vogt-nylund-kranzle-behle-lehmkuhl-groissbock-akseybek-article-critique-chronique-compte-rendu

 

la critique du Wanderer de David Verdier

 

Des Maîtres de l’autre côté du miroir

 

la critique de BR Klassik d’Antonia Goldhammer

 

https://www.br-klassik.de/themen/bayreuther-festspiele/hintergrund/meistersinger-bayreuther-festspiele-kritik-barrie-kosky-philippe-jordan-100.html

 

la critique de Forum Opéra de Jean-Claude Pennetier

 

https://www.forumopera.com/die-meistersinger-von-nurnberg-bayreuth-drole-et-profond

A propos de Bayreuth 2019 Lohengrin

Pour ceux qui n’ont pas  pu aller à Bayreuth cet été, voici quelques critiques lues sur le net sur les premières représentations du Festival de Bayreuth 2019 : après celles   de la nouvelle production de Tannhaüser, voici celles de Lohengrin, production qui y est donnée pour la deuxième année, toujours sans Anna Netrebko, pourtant annoncée avec insistance jusqu’en début d’été.

Vous pouvez soit les lire directement en cliquant sur le lien internet, soit les lire en téléchargeant les documents issus de ces articles du net.

Vous pouvez également l’écouter en cliquant sur le lien ci-dessous

 

Lohengrin

la critique de Forum Opéra de Jean-Claude Pennetier

 

https://www.forumopera.com/lohengrin-bayreuth-et-la-musique-fut

 

la critique d’Olyrix de David Verdier

 

https://www.olyrix.com/articles/production/3331/lohengrin-bayreuth-wagner-festival-26-juillet-2019-article-critique-chronique-compte-rendu-sharon-vogt-nylund-thielemann-rauch-loy-pankratova-zeppenfeld-silins-thielemann-vogt

 

la critique du Wanderer de Guy Cherqui

 

Un Lohengrin à la musique miraculeuse

 

 

Les chanteurs principaux

Lohengrin Klaus Florian Vogt

Heinrich der Vogler, Georg Zeppenfeld

Elsa von Brabant, Camilla Nylund

Ortrud Elena Pankratova

Friedrich von Telramund Tomasz Konieczny

Le héraut d’armes du roi Egils Silins

A propos de Bayreuth 2019 Tannhäuser

En attendant les impressions personnelles des adhérents de notre Cercle qui ont eu la chance d’assister aux représentations données au festival de Bayreuth en ce mois d’août 2019, voici pour ceux qui n’ont pas  eu la chance de gravir la Colline de Bayreuth, quelques critiques lues sur le net sur les premières représentations du Festival de Bayreuth 2019, en commençant par la première représentation de la nouvelle production de Tannhaüser.

Vous pouvez soit les lire directement en cliquant sur le lien internet, soit les lire en téléchargeant les documents issus de ces articles du net.

Tannhäuser

la critique de Forum Opéra de Jean-Claude Pennetier

https://www.forumopera.com/tannhauser-bayreuth-la-colline-accouche-dune-souris

 

 

la critique du Wanderer de Guy Cherqui

Tannhäuser à Bayreuth : le pur bonheur de l’intelligence

 

 

la critique de Res Musica de Michèle Tosi

 

À Bayreuth, le Tannhäuser de Tobias Kratzer dans la distance et l’innovation

 

 

STATUES OU POUPEES MUSICALES : LES FEMMES DE BARBE-BLEUE A L’OPERA .

   Il était une fois : dehors ?dedans?                                                                                     Conte ancien, ah, quel sens il a,                                                                      Seigneurs et gentes dames ?… »

Béla Bartok,: Le Château de Barbe – Bleue, prologue du Conteur  [1]

Si chacun d’entre nous peut se vanter de connaître le conte de Perrault : LA BARBE-BLEUE, qui peut donner une réponse à l’éternelle question posée : que sont devenues les anciennes femmes du cruel tyran ? Ont-elles même existé ? Qui étaient-elles ? D’où venaient-elles ?

Tous les fantasmes sont permis…Quelle est la part de la « rumeur » dans tout cela ? Perrault ne présente que la dernière épouse – la « maumariée » – car, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit là d’un mariage arrangé où l’amour ne tient guère de place. Des autres femmes, on ne sait rien, et la petite clé tachée de sang ne résout pas l’énigme : en effet, on ne peut affirmer qu’il s’agisse de celui des épouses du seigneur des lieux !

Le récit a inspiré des musiciens, mais nous ne retiendrons que deux d’entre eux, le Français Paul Dukas et le Hongrois Béla Bartok, car ils rejettent définitivement dans l’oubli les œuvres précédentes – mis à part l’opéra-bouffe d’Offenbach[2], dans un genre totalement différent . En effet, ici, pas de clés, pas de sang, mais un monarque, don Juan et Landru à la fois, qui collectionne puis élimine ses femmes sans scrupules, jusqu’à ce que l’une d’entre elles, Boulotte, plus rusée, déjoue le piège et ramène à la cour le « harem » qui avait été seulement « endormi » par un magicien bon enfant ! Le tout se situe dans une atmosphère de cancan , débridée et pleine de gaieté , où Offenbach s’en donne à cœur joie, selon sa coutume, en piétinant conventions et institutions – le mariage en particulier . Il s’agit d’une relecture du conte sans état d’âme ne présentant aucun lien avec les deux opéras du XXe siècle qui font l’objet de notre étude, mise à part la place prépondérante accordée – déjà – aux personnages féminins .

C’est au fond d’une cave sombre et poussiéreuse qu’Ariane, l’héroïne de l’opéra de Paul Dukas sur un livret de Maurice Maeterlinck (1907), découvre les délaissées, prisonnières quasi-volontaires, mortes vivantes à la passivité dérangeante, offrant l’image nostalgique de beautés fragiles et peureuses, totalement soumises au Maître qu’elles aiment, malgré sa dureté, et qu’elle ne peuvent pas quitter, refusant la liberté apportée par la dernière épouse . Pas de sang dans cette œuvre d’une intense poésie, issue du Symbolisme comme Pelléas et Mélisande – du même auteur -, à part celui que peut évoquer la clarté des rubis lorsque s’ouvrent les portes des salles aux pierreries .

L’interprétation du conte par Béla Bartok (1918) et le dramaturge Béla Balàzs[3] peut apparaître beaucoup plus sanglante : des pierres du château labyrinthe, des armes et d’objets divers, des bijoux, de la tige des fleurs, des nuages, le sang – symbole de vie et de mort – sourd de partout, créant l’angoisse, mais parfois aussi une forme de lumière étrange, qui jaillit entre les mains en corolle de la belle Judith, la dernière épousée – celle qui a abandonné parents et fiancé riche et amoureux, pour suivre le héros sombre, inquiétant, dont le secret destin la fascine . Les autres femmes n’apparaissent qu’au dénouement . Clés du mystère ? On ne peut vraiment le dire . Ces statues vivantes, parées comme des madones , superbes et muettes comme La Beauté de Baudelaire, éclairent des pans de la mémoire de Barbe-Bleue, mais le poids du passé et de l’inconscient reste tel que Judith ne peut que rejoindre à la fin les autres figures hiératiques dans la septième chambre, muette à son tour, illustrant le danger de vouloir à tous prix faire revivre les amours d’antan dont la magnificence – peut-être idéalisée – n’en détruit pas moins irrémédiablement le présent , lorsqu’on a l’imprudence de les faire resurgir.

 

1 ) ARIANE ET SON MINOTAURE (  Ariane et Barbe-Bleue )

 « On ne peut délivrer personne, il vaut mieux se délivrer soi-même ». ( Paul Dukas)[4]

Si l’œuvre de Dukas – Maeterlinck illustre le conflit classique ténèbres – lumières aboutissant à la vérité et, en principe, à l’ascension vers une forme supérieure d’humanité – comme l’exprime La Flûte Enchantée de Mozart, c’est surtout l’impossibilité de sa réalisation qui apparaît déjà dans le sous-titre pessimiste du livret : « Ariane, ou la délivrance inutile » .

Ariane est très belle et elle le sait . Aime-t-elle Barbe-Bleue ? Elle le soigne quand il est blessé , empêche que les paysans révoltés ne l’achèvent, mais ses attitudes, ses gestes, semblent davantage dictés par un souci d’humanité, de compassion, que par de l’amour . Barbe-Bleue, lui, l’aime vraiment, séduit et subjugué sans doute par cette force qu’il pressent confusément en elle . Pourquoi Ariane l’a-t-elle épousé ? Attirée par le danger, le désir de faire la lumière, de sauver ; sorte de Prométhée femelle, elle veut délivrer toutes celles qu’elle est persuadée de découvrir , car si elle sait Barbe-Bleue intraitable, elle ne le croit pas assez cruel pour avoir tué ses épouses . Elle est sûre de la force de son pouvoir de séduction pour dominer totalement Barbe-Bleue :

« Elles ne sont pas mortes . On en parlait, là-bas…[…]/Il m’aime, je suis belle et j’aurai son secret […]/D’abord, il faut désobéir : c’est le premier devoir quand l’ordre est menaçant et ne s’explique pas […] La clé d’or est interdite . C’est la seule qui importe . »[5]

-Prométhée, certes, mais aussi Antigone, qui refuse les ordres injustifiés !

Néanmoins, Ariane va ouvrir toutes les portes, et de chacune déferlent de merveilleuses pierreries : améthystes, émeraudes, saphirs, rubis, perles, diamants…, et leur éclat nimbe de lumières colorées et de sonorités musicales somptueuses et rutilantes la trop belle épousée .

« De l’ombre elle fait naître les couleurs »[6], écrit Olivier Messiaen.

Les six pierres différentes et les six couleurs s’expriment musicalement par une série de variations d’un même thème dans six tonalités différentes, conception moderne de l’«audition colorée», et des rapports des couleurs et des sons, selon Baudelaire.

Mais Ariane n’accepte de se parer que de diamants :

« Immortelle rosée de lumière ! Ruisselez sur mes mains, illuminez mes bras, éblouissez ma chair ! »

Ariane est alors envahie par une véritable exaltation sensuelle et elle ne semble revêtue que de joyaux, comme dans les tableaux de Gustave Moreau. Les diamants lui confèrent une auréole surnaturelle qu’elle garde jusqu’à la fin de l’œuvre . Barbe-Bleue sera d’autant plus aisément dominé et neutralisé.

C’est dans une sorte d’ivresse lumineuse , et non pas de descente aux enfers comme on pourrait l’imaginer, qu’Ariane franchit la septième porte, pénétrant dans une cave lugubre d’où lui parvient « un chant étouffé et lointain », comme venu de l’au-delà , d’un monde fantomatique : c’est la complainte des Filles d’Orlamonde . L’affrontement avec Barbe-Bleue est saisissant : Ariane, « étincelante de diamants » des pieds à la tête crée dans ce royaume de l’ombre un choc lumineux qui éblouit et décontenance Barbe-Bleue . On assiste à une curieuse inversion des rôles : le tyran promet un pardon qui n’est plus de mise, et la victorieuse Ariane lui assène un « NON » sans équivoque ; c’est ELLE qui pardonnera, et seulement « lorsqu’elle saura tout ». Reine toute puissante, forte d’une séduction surhumaine, elle s’impose désormais comme la meneuse de jeu, face à un pouvoir inquiet et des sujet(te)s inconsistant(e)s.

 

2)- LES FILLES FOLLES DE MAETERLINCK – DUKAS

 « Cinq  formes de femmes  immobiles »[7], terrées  dans  l’ombre  l’une contre l’autre, les cheveux trop longs et les vêtements en lambeaux, se devinent au fond de l’antre sinistre : « Vous devez être belles », murmure la « divine » Ariane dont le moindre mouvement fait jaillir de son corps de multiples étoiles .

Mais la clarté n’est pas suffisante, Ariane d’un geste violent brise la vitre sale au fond , et le flot lumineux – en un génial crescendo de l’orchestre – devient si intense, qu’il en est « intolérable » pour les yeux, fatigués par l’obscurité, des prisonnières . Au « cri de terreur presque radieux » des femmes, répond le « délire triomphant » d’Ariane qui brise toutes les autres vitres :

« N’approchez pas encore, les rayons semblent ivres !…Je ne peux plus me redresser ; je vois, les yeux fermés, les longues pierreries qui fouettent mes paupières !…[…] Est-ce le vent ou la lumière ? Toute ma chevelure est un ruisseau d’éclairs !…Je suis couverte de merveilles !…Je ne vois rien et j’entends tout !…Des milliers de rayons accablent mes oreilles, je ne sais où cacher mes yeux, mes deux mains n’ont plus d’ombre, mes paupières m’éblouissent et mes bras qui les couvrent, les couvrent de lumière !…Où êtes-vous ? Venez toutes, je ne peux plus descendre ! Je ne sais où poser mes pieds dans les vagues de feu qui soulèvent ma robe, je vais tomber dans vos ténèbres !… »

Ariane, transfigurée, nantie d’une force cosmique qui la transcende émerge peu à peu du silence ébloui, dans une harmonie musicale où seuls murmurent le bruit de la mer, le vent et les oiseaux : le mensonge, le mystère, l’enfer, sont élucidés . Une à une, comme sortant d’un long engourdissement , les femmes s’éveillent à la vie . L’une agite ses cheveux, comme une écharpe à la fenêtre, pour « faire signe » au dehors .

« Tu es pâle », dit une autre, « ta robe est en lambeaux », « que nos cheveux sont longs », « tes seins nus séparent tes cheveux », « que nos faces sont pâles et nos mains transparentes » disent les autres . Fantômes gracieux, tristes et démodés, elles chantent et dansent dans la clarté qui pénètre par les vitres brisées l’antique refrain des Filles d’Orlamonde , chant gothique, irréel, envoûtant, tel une vocalise qui s’étouffe ….

Elles ont noms Sélysette, Mélisande, Ygraine, Bellangère et Alladine . Des noms d’héroïnes de contes anciens . Toutes très proches et pourtant différentes, Sélysette,fine et sensible, Mélisande sortie tout droit de l’opéra de Claude Debussy[8] avec sa merveilleuse chevelure d’or ( on remarque son thème musical, emprunté au même personnage chez ce compositeur, acte I – scène 3), Alladine, celle que l’on n’entend jamais car elle parle la langue inconnue d’un lointain pays, bel oiseau des îles au te0int sombre, vibrante d’émotion et de tendresse, muette et d’autant plus éloquente…

Cette chanson mystérieuse aux sonorités archaïques parle de cinq filles, d’une « fée noire » qui est morte, de « portes closes », de « clé d »or ». Quel est le lien avec l’histoire des cinq femmes abandonnées ? Pourquoi ce chant étrange inlassablement répété ? Autant de questions laissées sans réponses .

L’acte III contient une scène de parure qui éclaire davantage sur le caractère trop effacé de ces êtres pourtant charmants . Si les beaux cheveux blonds de Mélisande, « comme des flammes immobiles », évoquent des images connues, nous ignorions qu’elle avait coutume de les dissimuler sous un triste voile qu’Ariane s’empresse d’arracher! De même, Ygraine recouvre ses bras superbes de manches hideuses ; Bellangère cache aussi ses belles épaules et éteint son sourire radieux ; Alladine ternit son charme exotique par des vêtements aux couleurs trop vives .

Ariane, souriante et ferme, prenant un ton d’aînée plus expérimentée, enlève les tissus disposés avec maladresse, en choisit d’autres, place des bijoux étincelants dans les cheveux, autour du cou, et s’émerveille du résultat : les beautés refleurissent sous ses mains…

« Vraiment, mes jeunes sœurs, je ne m’étonne plus s’il ne vous aimait pas autant qu’il eût fallu et s’il voulait cent femmes…Il n’avait que vos ombres . »[9]

Pourtant, le seigneur enfin revenu – blessé par ses sujets révoltés qui pensent protéger ainsi la nouvelle épousée au charme magique – ne voit pas ses femmes, si belles à nouveau et séduisantes, mais tellement éperdues de pitié et d’amour, qu’elles se pressent autour de lui et ne sont même pas capables de le secourir ! Il ne voit qu’Ariane, avec ses gestes efficaces, toujours maîtresse d’elle-même. Mais il ne peut ni ne sait la retenir et elle part, « royale », « vers un monde qui irradie d’espérance », seule, car aucune de ses « sœurs » n’ose l’accompagner. Elles sont à la fois désolées de la perdre et irrémédiablement captives du harem de Barbe-Bleue. Triste victoire que celle d’Ariane : si elle triomphe de la pitié et se « délivre » en partant, derrière elle on voit les femmes refermer peureusement la porte.

On peut deviner que dans peu de temps elles seront à nouveau ternes, mal fagotées, tristes poupées dérisoires et à nouveau délaissées, dans la demeure sombre aux vitres et aux portes closes, chantant encore la Chanson des filles d’Orlamonde, qui apparaît comme une mise en abîme du drame ; l’esclavage et l’obscurité reprennent leur droit pour un parcours sans espoir ni fin.

 

3) JUDITH, ou la quête de l’inconscient ( A Kékszakàllù herceg vàra : Le Château de BARBE-BLEUE )

« Au point de vue politique et culturel, la Hongrie a souffert      pendant des siècles de la proximité de l’Allemagne ; c’est là un fait que personne n’ignore […] Cependant, nos élites intellectuelles se sont insurgées de tout temps contre cette situation anormale et ont reconnu que l’esprit latin – en tout premier lieu l’esprit français – est infiniment plus proche du génie hongrois que l’esprit germanique ; et c’est pourquoi cette élite s’est toujours orientée vers la culture française qu’elle a  considéré comme étant la plus conforme à sa nature … » Bartok, Béla[10] .

L’influence de Maeterlinck et Dukas sur Balàsz et Bartok est d’autant plus évidente que la création de l’œuvre se situe à une époque (1918) où les artistes hongrois veulent créer un style revenant aux racines culturelles de la nation, tout en se tournant vers l’ouest, comme l’indique le nom du mouvement « NYUGAT » (traduction littérale : occident), qui représente une ouverture à la fois artistique et politique . Toute l’élite intellectuelle va  se regrouper autour de Ferenczi, disciple de Freud, qui marque profondément cette période . Mais tous ces espoirs seront déçus, et comme les héros de l’opéra, les auteurs resteront amèrement confinés dans leur solitude , aussi l’impression dominante reste-t-elle pessimiste .

L’œuvre de Bartok – Balàzs est introduite par un prologue parlé énigmatique qui concentre l’essentiel du drame sous une forme archaïque de ballade populaire faisant participer le spectateur à l’action – l’âpre sonorité de la langue hongroise crée une sensation d’inquiétude, de tension, maintenue d’un bout à l’autre de l’opéra .

Le héros n’a rien de commun avec le tyran – éclairé vers la fin – de l’œuvre de Dukas . Ici, Barbe-Bleue est un beau ténébreux, sombre, inquiétant et excitant à la fois, vivant le drame de la solitude, de la fatalité, assez proche du Hollandais Volant de Richard Wagner, mais encore plus secret et pudique : tout réside ici dans le non-dit, le suggéré ; le texte est très sobre , la musique dévoile l’inconscient, mais le commentaire reste d’une brièveté brutale dans le long duo que constitue cet opéra de quatre-vingt minutes environ . Peut-on d’ailleurs considérer comme un duo cette succession de répliques, souvent très courtes, où les personnages ne chantent pratiquement pas ensemble, sauf à la fin -épisode de la septième clé- où il s’agit de lutte et non de communion? L’œuvre se structure en un chant alterné, ponctué de longs silences pesants, angoissants, où l’on sent l’intensité de la réflexion …

Comme chez Dukas, l’œuvre débute par l’ouverture de la porte du château où règne l’ombre, et de même, elle est refermée à la fin – à l’orchestre, le thème initial et le thème final : c’est le château. Ce château apparaît comme l’âme de Barbe-Bleue, un poids l’écrase, et Judith, la dernière épouse, veut y faire entrer la lumière – la clarté, la vérité – sœur en cela, au départ du moins, d’Ariane . Proche aussi de la Senta de Wagner, Judith veut sauver le héros d’une malédiction ignorée. Sœur aussi d’Elsa (Lohengrin), elle veut « savoir » car « elle l’aime », davantage pour l’aider -du moins le croit-elle – que par curiosité. Rigide, parée de voiles blancs, « statue » de mariée- déjà.- quand elle pénètre dans le château, Judith, peu à peu, joue de son charme, de son corps voilé et plus ou moins dévoilé, cheveux défaits, caresses, baisers promis ou volés, alanguissements, tout un jeu de séduction et de gestes érotiques devant lesquels Barbe-Bleue, anxieux et ravi, cède , ouvrant parfois lui-même les portes, mais :  « ne questionne pas », supplie-t-il sans cesse .

Malgré son angoisse grandissante, Judith poursuit sa quête inlassable, mêlant érotisme, compassion et curiosité, effrayée et excitée par ces murailles et ces objets qui saignent, ces soupirs, ces sanglots venus on ne sait d’où, ce lac de larmes – quelles larmes ? – répondant inlassablement à Barbe-Bleue qui la conjure de ne plus le contraindre, de ne pas questionner « pour toi, pour moi, pour nous »; -« c’est parce que je t’aime […] ouvre-moi toutes les portes, je suis toute à toi ! ». Et elle s’offre.., pour se dérober vers la nouvelle porte dès la clé obtenue, et faire entrer la clarté : « Mes bras ouverts t’attendent », murmure Barbe-Bleue, mais quel qu’en puisse être le prix, désormais elle ira au bout de sa quête :  « Ouvre tes deux portes! […] Que je vive, que je meure ! » .

Chambre de torture, salle d’armes, jardin merveilleux, royaume, tout suinte de sang et laisse des traces sur la toilette blanche de la belle mariée ; même les bijoux splendides de la salle des trésors dont Barbe-Bleue se plaît à la parer, couronne, perles, pierres précieuses: les bijoux saignent .

Une brève détente laisse espérer une issue, lorsqu’après avoir ouvert la porte du lac de larmes, Judith, impressionnée, s’échappe furtivement et revient, en légère tenue de nuit, pieds nus, vers la chambre nuptiale; mais la scène d’amour est interrompue brutalement par l’explosion soudaine d’une jalousie irraisonnée: « As-tu aimé d’autres femmes ? », et l’accusation terrible jaillit, fatale : « […] ce que cache la 7e porte : les cadavres des autres femmes ! »

Face au délire de Judith comparable à celui d’Elsa dans Lohengrin, Barbe-Bleue revêt solennellement son costume sombre du début, et tend la dernière clé. La rédemptrice espérée s’est métamorphosée en une vulgaire curieuse, jalouse de surcroît, Barbe-Bleue a encore perdu !

 

4) LA SEPTIEME PORTE OU LE PASSE STATUFIE .

« Va, ouvre, là sont toutes mes épouses »

Une chambre sombre , et Barbe-Bleue tombe à genoux, récitant le passé somptueux qui ressuscite alors que chaque femme, muette, sans nom, se présente, statue vivante parée comme une chasse ; Barbe-Bleue, dans un état de «rêve», précisé par la didascalie du texte, s’exprime alors avec un lyrisme éperdu :

« Elles sont belles, belles, merveilleuses. Elles furent toujours, vivent toujours. Elles ont amassé mes trésors, elles ont arrosé mes fleurs, elles ont étendu mon empire, tout leur appartient, tout . ».

«  Femme de l’aurore…, femme de midi…, femme du soir… », toutes ont conservé intacte leur place dans la mémoire de Barbe-Bleue. En ce moment d’exaltation, mais aussi de profonde émotion, il rend hommage à celles qu’il a aimées, sur de longues tenues d’accords parfaits joués pianissimo en trémolo. Paralysée d’angoisse et d’impuissance, Judith comprend alors, trop tard, le sort qui l’attend : elle supplie d’une voix de plus en plus faible, mourante, éteinte, puis se tait, endossant couronne et parures qui font ployer ses fragiles épaules, pour disparaître à la suite des autres, à la place qui lui était destinée de toute éternité, statufiée, muette, éternelle morte-vivante, « femme de la nuit… », la dernière, tandis que Barbe-Bleue, rejoint « l’ombre » – lui aussi devient statue .

«Et désormais ce sera toujours la nuit../. La nuit…la nuit…»[11] murmure-t-il en se figeant, les yeux clos. La dernière épouse n’est-elle pas la Mort ?

Fascination de Judith pour Barbe-Bleue, fascination de la vérité, fascination de la mort? Des questions, toujours des questions…

Judith est parvenue, comme Ariane, à faire pénétrer « La Lumière » durant un moment dans le château maudit, mais ce n’est qu’une illusion, car l’ombre triomphe inéluctablement, l’énigme initiale n’est jamais tout à fait levée, le pessimisme est total. Est-ce Barbe-Bleue qui fait souffrir ses femmes ou l’inverse? L’orchestre harcèle, la femme ordonne, l’homme se recroqueville, et cela dans une demeure qui semble une allégorie de la vie antérieure de Barbe-Bleue.

Dans les deux œuvres, la beauté et la parure féminines, jouent un véritable rôle : Ariane se pare de diamants, les autres se laissent aller dans leur prison sinistre, pour renaître un instant, sous l’impulsion de leur sœur , avant de sombrer définitivement. Judith est parée deux fois par son époux, d’abord dans la salle des trésors où elle rejette vite les joyaux à cause du sang, puis dans la scène finale où elle n’a plus la force de les enlever, écrasée par ce poids de destin qu’ils symbolisent, et rejoint les autres statues enchaînées du passé, derrière la septième porte .

Dans chaque cas, il apparaît mortel pour l’amour de trop chercher à connaître l’autre, et il semble qu’il y ait des secrets à ne pas dévoiler. Drames de la solitude, de l’incompréhension, de l’incommunicabilité, dans l’œuvre de Bartok sans doute davantage encore que dans celle de Dukas .

 

5)-MUSIQUES DES AMES ET DES CORPS  .

 « Voici : le chant s »élève,
Vous regardez, je vous regarde,
Le rideau de vos cils se lève :
Où est la scène : dehors ? dedans ? »
Bartok – Balàsz : Prologue du Conteur[12].

Portée par les sons, la figure d’Ariane domine totalement l’œuvre de Dukas. Barbe-Bleue reste toujours à l’arrière plan, dans l’action comme dans la musique. L’évolution est très différente dans l’opéra de Bartok .

Judit chute, elle rate son itinéraire initiatique, et aboutit à une forme de mort programmée, tandis que l’image de Barbe-Bleue prend de plus en plus d’épaisseur, c’est lui qui irradie à la fin dans l’explosion des souvenirs transfigurés, même si les ténèbres l’absorbent à son tour .

Des longues déclamations mélodiques proches de Wagner et Debussy de Paul Dukas aux leitmotive de l’inconscient de Bela Bartok, la distance n’est pas si grande qu’il y parait. Le style des vieilles ballades populaires transparaît chez le compositeur hongrois et son librettiste dès ce Prologue parlé si étrange, qui déjà posait une question – énigme :

« Où est la scène : dehors ? dedans? »

Texte aussi obscur que le chant hors du temps des Filles d’Orlamonde qui hante l’opéra de Dukas, chant désuet et fragile comme ces gracieux corps de jeunes femmes, épuisées de langueur dans leur cave – tombeau…Toujours les portes, la mort, l’inconnu, le passé plus vivant que le présent…et la musique, telle une métaphore filée … «Le rideau de nos cils» s’est-il levé, comme nous le demandait le récitant du Prologue ? Celui des spectacles baissé nous laisse, lui, avec des questions toujours sans réponses et des images floues ou lumineuses de femmes très belles, parées – ou prisonnières – d’étoffes somptueuses et de pierreries étincelantes, figées dans une immobilité tragique. Envoûtées par un chant ou rendues muettes, elles gardent toutes leur regard uniquement tourné vers un passé à jamais perdu.

Marie-Bernadette FANTIN EPSTEIN                                            M.C.(Littérature Comparée) à l’Université de Toulouse II

Publié in : «Des Femmes : écritures et images », Toulouse,PUM.(2004)

Communication lors de la Journée d’Etude :  » L’hétérogène – Corps de femmes « (avril 99) LITTERATURE COMPAREE (Textes, Images, Musique ) U.T.M. 

[1] Balàsz, Béla : A Kékszakàllù herceg vàra :«Le Château de Barbe-Bleue », traduction du livret de l’opéra en un acte et un prologue de Béla Bartok par Natalia et Charles Zaremba, L’Avant Scène Opéra,1992, p.101-127 .

[2] Offenbach, Jacques : Barbe-Bleue, opéra – bouffe sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halevy, représenté en 1866 . (Notons également sur ce sujet un opéra de A. E. Grétry, en 1789).

[3] Balàsz, Béla – 1884 – 1949 (Bauer Herbert, dit) : situé à la croisée du symbolisme et de l’expressionnisme, ce poète et dramaturge collaborait à la revue Nyugat qui réunissait la plupart des intellectuels hongrois de l’entre deux guerres autour de valeurs « occidentales » à la fois artistiques et politiques .

[4] Dukas, Paul : « Ariane et Barbe-Bleue . Moralité à la façon des Contes de Perrault », dans La Revue Musicale, 1936 .

[5] Maeterlinck, Maurice : Ariane et Barbe – Bleue, acte I, p.35-40 ; livret de l’opéra en trois actes de Paul Dukas (p.27-64) in l’Avant – Scène Opéra, n°149-150, 1992.

[6] Messiaen, Olivier : «  La Lumière luit dans les ténèbres… », article in l’Avant – Scène Opéra, p.19 .

[7] Maeterlinck,  Maurice : op.cit., acte II, p. 41-52 in L’Avant – Scène Opéra .

[8] Debussy, Claude : son opéra d’après la pièce de Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, date de 1902 . Le charme magique de la blonde chevelure de Mélisande est indissociable de son image ; l’opéra de Dukas montre ainsi un reflet à la fois poétique et musical de l’héroïne.

[9] Maeterlinck,  Maurice : op.cit., acte III, p.53-64 .

[10] Bartok, Béla : «  Hommage à Ravel  »,in La Revue Musicale, Paris, 1938 .

[11] Balàsz, Béla : in L’Avant-Scène,  op.cit. p.129 .

[12] Ce long Prologue de six strophes se récite rideau fermé et sans musique ( durant quatre strophes ) ; puis le thème inquiétant du château se dessine à l’orchestre, sous la voix du conteur qui appelle l’attention du spectateur : « La musique fuse, la flamme danse,/Que le spectacle commence, /Le rideau de mes cils est levé /[…]/C »est une bien vieille histoire, / Oyez-la vous aussi. » (op.cit. p.105).

 BIBLIOGRAPHIE

La Revue Musicale : article « Paul Dukas » .Paris, R.Masse, 1936.
La Revue Musicale : Hommage à RAVEL .Paris, R.Massé,1938 .
L’Avant-Scène Opéra : Paris, éd. Premières Loges, 1992, n°149-150.
Dukas, Paul :Chroniques musicales sur deux siècles -1892-1932. Paris, Stock,1979.
Dukas Paul : Correspondance. Paris, Biblio. Nat.,1965.
Samazeuilh, Gustave : Un musicien français, Paul DUKAS. Paris, Durand, 1913..
Favre, Georges :Paul DUKAS, sa vie, son œuvre . Paris, La Colombe, 1948.
Bartok Béla : Musique de la vie : autobiographie, lettres et autres récits, traduits et présentés par Philippe A. Autexier . Paris, Stock, 1980.
Bela Bartok vivant : souvenirs, études, témoignages, recueillis par Jean Gergely : Paris, POF, 1984.
Surrans, A.: Bartok et laFrance.( Institut Français de Budapest, 1993.
Citron,  Pierre : Bartok . Paris, Seuil, 1963.
Genève,  Max : Le Château de Bela Bartok .Paris, Zulma,1995.
Raphoz,  Fabienne : Les Femmes de Barbe-Bleue, une histoire de curieuses . Genève, Métropolis, 1995.
Soriano, Marc : Les Contes de Perrault, culture savante et tradition populaire .Paris, Gallimard,1997.
Bettelheim, Bruno : Psychanalyse des contes de fées .Paris, Hachette, 1976.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

STATUES OU POUPEES MUSICALES : LES

FEMMES DE BARBE-BLEUE A L’OPERA .

 

                              «Il était une fois : dehors ?dedans ?

Conte ancien, ah, quel sens il a,

                                               Seigneurs et gentes dames ?… »

Bartok, Béla : Le Château de Barbe – Bleue, prologue du Conteur  [1]

Si chacun d’entre nous peut se vanter de connaître le conte de Perrault : LA BARBE-BLEUE, qui peut donner une réponse à l’éternelle question posée : que sont devenues les anciennes femmes du cruel tyran ? Ont-elles même existé ? Qui étaient-elles ? D’où venaient-elles ?

Tous les fantasmes sont permis…Quelle est la part de la « rumeur » dans tout cela ? Perrault ne présente que la dernière épouse – la « maumariée » – car, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit là d’un mariage arrangé où l’amour ne tient guère de place. Des autres femmes, on ne sait rien, et la petite clé tachée de sang ne résout pas l’énigme : en effet, on ne peut affirmer qu’il s’agisse de celui des épouses du seigneur des lieux !

Le récit a inspiré des musiciens, mais nous ne retiendrons que deux d’entre eux, le Français Paul Dukas et le Hongrois Béla Bartok, car ils rejettent définitivement dans l’oubli les œuvres précédentes – mis à part l’opéra-bouffe d’Offenbach[2], dans un genre totalement différent . En effet, ici, pas de clés, pas de sang, mais un monarque, don Juan et Landru à la fois, qui collectionne puis élimine ses femmes sans scrupules, jusqu’à ce que l’une d’entre elles, Boulotte, plus rusée, déjoue le piège et ramène à la cour le « harem » qui avait été seulement « endormi » par un magicien bon enfant ! Le tout se situe dans une atmosphère de cancan , débridée et pleine de gaieté , où Offenbach s’en donne à cœur joie, selon sa coutume, en piétinant conventions et institutions – le mariage en particulier . Il s’agit d’une relecture du conte sans état d’âme ne présentant aucun lien avec les deux opéras du XXe siècle qui font l’objet de notre étude, mise à part la place prépondérante accordée – déjà – aux personnages féminins .

C’est au fond d’une cave sombre et poussiéreuse qu’Ariane, l’héroïne de l’opéra de Paul Dukas sur un livret de Maurice Maeterlinck (1907), découvre les délaissées, prisonnières quasi-volontaires, mortes vivantes à la passivité dérangeante, offrant l’image nostalgique de beautés fragiles et peureuses, totalement soumises au Maître qu’elles aiment, malgré sa dureté, et qu’elle ne peuvent pas quitter, refusant la liberté apportée par la dernière épouse . Pas de sang dans cette œuvre d’une intense poésie, issue du Symbolisme comme Pelléas et Mélisande – du même auteur -, à part celui que peut évoquer la clarté des rubis lorsque s’ouvrent les portes des salles aux pierreries .

L’interprétation du conte par Béla Bartok (1918) et le dramaturge Béla Balàzs[3] peut apparaître beaucoup plus sanglante : des pierres du château labyrinthe, des armes et d’objets divers, des bijoux, de la tige des fleurs, des nuages, le sang – symbole de vie et de mort – sourd de partout, créant l’angoisse, mais parfois aussi une forme de lumière étrange, qui jaillit entre les mains en corolle de la belle Judith, la dernière épousée – celle qui a abandonné parents et fiancé riche et amoureux, pour suivre le héros sombre, inquiétant, dont le secret destin la fascine . Les autres femmes n’apparaissent qu’au dénouement . Clés du mystère ? On ne peut vraiment le dire . Ces statues vivantes, parées comme des madones , superbes et muettes comme La Beauté de Baudelaire, éclairent des pans de la mémoire de Barbe-Bleue, mais le poids du passé et de l’inconscient reste tel que Judith ne peut que rejoindre à la fin les autres figures hiératiques dans la septième chambre, muette à son tour, illustrant le danger de vouloir à tous prix faire revivre les amours d’antan dont la magnificence – peut-être idéalisée – n’en détruit pas moins irrémédiablement le présent , lorsqu’on a l’imprudence de les faire resurgir.

 

1 ) ARIANE ET SON MINOTAURE (  Ariane et Barbe-Bleue )

 

« On ne peut délivrer personne, il vaut mieux se délivrer soi-même ». ( Paul Dukas)[4]

Si l’œuvre de Dukas – Maeterlinck illustre le conflit classique ténèbres – lumières aboutissant à la vérité et, en principe, à l’ascension vers une forme supérieure d’humanité – comme l’exprime La Flûte Enchantée de Mozart, c’est surtout l’impossibilité de sa réalisation qui apparaît déjà dans le sous-titre pessimiste du livret : « Ariane, ou la délivrance inutile » .

Ariane est très belle et elle le sait . Aime-t-elle Barbe-Bleue ? Elle le soigne quand il est blessé , empêche que les paysans révoltés ne l’achèvent, mais ses attitudes, ses gestes, semblent davantage dictés par un souci d’humanité, de compassion, que par de l’amour . Barbe-Bleue, lui, l’aime vraiment, séduit et subjugué sans doute par cette force qu’il pressent confusément en elle . Pourquoi Ariane l’a-t-elle épousé ? Attirée par le danger, le désir de faire la lumière, de sauver ; sorte de Prométhée femelle, elle veut délivrer toutes celles qu’elle est persuadée de découvrir , car si elle sait Barbe-Bleue intraitable, elle ne le croit pas assez cruel pour avoir tué ses épouses . Elle est sûre de la force de son pouvoir de séduction pour dominer totalement Barbe-Bleue :

« Elles ne sont pas mortes . On en parlait, là-bas…[…]/Il m’aime, je suis belle et j’aurai son secret […]/D’abord, il faut désobéir : c’est le premier devoir quand l’ordre est menaçant et ne s’explique pas […] La clé d’or est interdite . C’est la seule qui importe . »[5]

-Prométhée, certes, mais aussi Antigone, qui refuse les ordres injustifiés !

Néanmoins, Ariane va ouvrir toutes les portes, et de chacune déferlent de merveilleuses pierreries : améthystes, émeraudes, saphirs, rubis, perles, diamants…, et leur éclat nimbe de lumières colorées et de sonorités musicales somptueuses et rutilantes la trop belle épousée .

« De l’ombre elle fait naître les couleurs »[6], écrit Olivier Messiaen.

Les six pierres différentes et les six couleurs s’expriment musicalement par une série de variations d’un même thème dans six tonalités différentes, conception moderne de l’«audition colorée», et des rapports des couleurs et des sons, selon Baudelaire.

Mais Ariane n’accepte de se parer que de diamants :

« Immortelle rosée de lumière ! Ruisselez sur mes mains, illuminez mes bras, éblouissez ma chair ! »

Ariane est alors envahie par une véritable exaltation sensuelle et elle ne semble revêtue que de joyaux, comme dans les tableaux de Gustave Moreau . Les diamants lui confèrent une auréole surnaturelle qu’elle garde jusqu’à la fin de l’œuvre . Barbe-Bleue sera d’autant plus aisément dominé et neutralisé.

C’est dans une sorte d’ivresse lumineuse , et non pas de descente aux enfers comme on pourrait l’imaginer, qu’Ariane franchit la septième porte, pénétrant dans une cave lugubre d’où lui parvient « un chant étouffé et lointain », comme venu de l’au-delà , d’un monde fantomatique : c’est la complainte des Filles d’Orlamonde . L’affrontement avec Barbe-Bleue est saisissant : Ariane, « étincelante de diamants » des pieds à la tête crée dans ce royaume de l’ombre un choc lumineux qui éblouit et décontenance Barbe-Bleue . On assiste à une curieuse inversion des rôles : le tyran promet un pardon qui n’est plus de mise, et la victorieuse Ariane lui assène un « NON » sans équivoque ; c’est ELLE qui pardonnera, et seulement « lorsqu’elle saura tout ». Reine toute puissante, forte d’une séduction surhumaine, elle s’impose désormais comme la meneuse de jeu, face à un pouvoir inquiet et des sujet(te)s inconsistant(e)s.

 

2)- LES FILLES FOLLES DE MAETERLINCK – DUKAS

 

« Cinq  formes de femmes  immobiles »[7], terrées  dans  l’ombre  l’une

contre l’autre, les cheveux trop longs et les vêtements en lambeaux, se devinent au fond de l’antre sinistre : « Vous devez être belles », murmure la « divine » Ariane dont le moindre mouvement fait jaillir de son corps de multiples étoiles .

Mais la clarté n’est pas suffisante, Ariane d’un geste violent brise la vitre sale au fond , et le flot lumineux – en un génial crescendo de l’orchestre – devient si intense, qu’il en est « intolérable » pour les yeux, fatigués par l’obscurité, des prisonnières . Au « cri de terreur presque radieux » des femmes, répond le « délire triomphant » d’Ariane qui brise toutes les autres vitres :

« N’approchez pas encore, les rayons semblent ivres !…Je ne peux plus me redresser ; je vois, les yeux fermés, les longues pierreries qui fouettent mes paupières !…[…] Est-ce le vent ou la lumière ? Toute ma chevelure est un ruisseau d’éclairs !…Je suis couverte de merveilles !…Je ne vois rien et j’entends tout !…Des milliers de rayons accablent mes oreilles, je ne sais où cacher mes yeux, mes deux mains n’ont plus d’ombre, mes paupières m’éblouissent et mes bras qui les couvrent, les couvrent de lumière !…Où êtes-vous ? Venez toutes, je ne peux plus descendre ! Je ne sais où poser mes pieds dans les vagues de feu qui soulèvent ma robe, je vais tomber dans vos ténèbres !… »

Ariane, transfigurée, nantie d’une force cosmique qui la transcende émerge peu à peu du silence ébloui, dans une harmonie musicale où seuls murmurent le bruit de la mer, le vent et les oiseaux : le mensonge, le mystère, l’enfer, sont élucidés . Une à une, comme sortant d’un long engourdissement , les femmes s’éveillent à la vie . L’une agite ses cheveux, comme une écharpe à la fenêtre, pour « faire signe » au dehors .

« Tu es pâle », dit une autre, « ta robe est en lambeaux », « que nos cheveux sont longs », « tes seins nus séparent tes cheveux », « que nos faces sont pâles et nos mains transparentes » disent les autres . Fantômes gracieux, tristes et démodés, elles chantent et dansent dans la clarté qui pénètre par les vitres brisées l’antique refrain des Filles d’Orlamonde , chant gothique, irréel, envoûtant, tel une vocalise qui s’étouffe ….

Elles ont noms Sélysette, Mélisande, Ygraine, Bellangère et Alladine . Des noms d’héroïnes de contes anciens . Toutes très proches et pourtant différentes, Sélysette,fine et sensible, Mélisande sortie tout droit de l’opéra de Claude Debussy[8] avec sa merveilleuse chevelure d’or ( on remarque son thème musical, emprunté au même personnage chez ce compositeur, acte I – scène 3), Alladine, celle que l’on n’entend jamais car elle parle la langue inconnue d’un lointain pays, bel oiseau des îles au te0int sombre, vibrante d’émotion et de tendresse, muette et d’autant plus éloquente…

Cette chanson mystérieuse aux sonorités archaïques parle de cinq filles, d’une « fée noire » qui est morte, de « portes closes », de « clé d »or ». Quel est le lien avec l’histoire des cinq femmes abandonnées ? Pourquoi ce chant étrange inlassablement répété ? Autant de questions laissées sans réponses .

L’acte III contient une scène de parure qui éclaire davantage sur le caractère trop effacé de ces êtres pourtant charmants . Si les beaux cheveux blonds de Mélisande, « comme des flammes immobiles », évoquent des images connues, nous ignorions qu’elle avait coutume de les dissimuler sous un triste voile qu’Ariane s’empresse d’arracher ! De même, Ygraine recouvre ses bras superbes de manches hideuses ; Bellangère cache aussi ses belles épaules et éteint son sourire radieux ; Alladine ternit son charme exotique par des vêtements aux couleurs trop vives ..

Ariane, souriante et ferme, prenant un ton d’aînée plus expérimentée, enlève les tissus disposés avec maladresse, en choisit d’autres, place des bijoux étincelants dans les cheveux, autour du cou, et s’émerveille du résultat : les beautés refleurissent sous ses mains…

« Vraiment, mes jeunes sœurs, je ne m’étonne plus s’il ne vous aimait pas autant qu’il eût fallu et s’il voulait cent femmes…Il n’avait que vos ombres . »[9]

Pourtant, le seigneur enfin revenu – blessé par ses sujets révoltés qui pensent protéger ainsi la nouvelle épousée au charme magique – ne voit pas ses femmes, si belles à nouveau et séduisantes, mais tellement éperdues de pitié et d’amour, qu’elles se pressent autour de lui et ne sont même pas capables de le secourir ! Il ne voit qu’Ariane, avec ses gestes efficaces, toujours maîtresse d’elle-même . Mais il ne peut ni ne sait la retenir et elle part, « royale », « vers un monde qui irradie d’espérance », seule, car aucune de ses « sœurs » n’ose l’accompagner . Elles sont à la fois désolées de la perdre et irrémédiablement captives du harem de Barbe-Bleue . Triste victoire que celle d’Ariane : si elle triomphe de la pitié et se « délivre » en partant, derrière elle on voit les femmes refermer peureusement la porte .

On peut deviner que dans peu de temps elles seront à nouveau ternes, mal fagotées, tristes poupées dérisoires et à nouveau délaissées, dans la demeure sombre aux vitres et aux portes closes, chantant encore la Chanson des filles d’Orlamonde, qui apparaît comme une mise en abîme du drame ; l’esclavage et l’obscurité reprennent leur droit pour un parcours sans espoir ni fin .

 

3) JUDITH, ou la quête de l’inconscient ( A Kékszakàllù herceg vàra : Le Château de BARBE-BLEUE )

 

« Au point de vue politique et culturel, la Hongrie a souffert      pendant des siècles de la proximité de l’Allemagne ; c’est là un fait que personne n’ignore […] Cependant, nos élites intellectuelles se sont insurgées de tout temps contre cette situation anormale et ont reconnu que l’esprit latin – en tout premier lieu l’esprit français – est infiniment plus proche du génie hongrois que l’esprit germanique ; et c’est pourquoi cette élite s’est toujours orientée vers la culture française qu’elle a  considéré comme étant la plus conforme à sa nature … » Bartok, Béla[10] .

L’influence de Maeterlinck et Dukas sur Balàsz et Bartok est d’autant plus évidente que la création de l’œuvre se situe à une époque (1918) où les artistes hongrois veulent créer un style revenant aux racines culturelles de la nation, tout en se tournant vers l’ouest, comme l’indique le nom du mouvement « NYUGAT » (traduction littérale : occident), qui représente une ouverture à la fois artistique et politique . Toute l’élite intellectuelle va  se regrouper autour de Ferenczi, disciple de Freud, qui marque profondément cette période . Mais tous ces espoirs seront déçus, et comme les héros de l’opéra, les auteurs resteront amèrement confinés dans leur solitude , aussi l’impression dominante reste-t-elle pessimiste .

L’œuvre de Bartok – Balàzs est introduite par un prologue parlé énigmatique qui concentre l’essentiel du drame sous une forme archaïque de ballade populaire faisant participer le spectateur à l’action – l’âpre sonorité de la langue hongroise crée une sensation d’inquiétude, de tension, maintenue d’un bout à l’autre de l’opéra .

Le héros n’a rien de commun avec le tyran – éclairé vers la fin – de l’œuvre de Dukas . Ici, Barbe-Bleue est un beau ténébreux, sombre, inquiétant et excitant à la fois, vivant le drame de la solitude, de la fatalité, assez proche du Hollandais Volant de Richard Wagner, mais encore plus secret et pudique : tout réside ici dans le non-dit, le suggéré ; le texte est très sobre , la musique dévoile l’inconscient, mais le commentaire reste d’une brièveté brutale dans le long duo que constitue cet opéra de quatre-vingt minutes environ . Peut-on d’ailleurs considérer comme un duo cette succession de répliques, souvent très courtes, où les personnages ne chantent pratiquement pas ensemble, sauf à la fin -épisode de la septième clé- où il s’agit de lutte et non de communion? L’œuvre se structure en un chant alterné, ponctué de longs silences pesants, angoissants, où l’on sent l’intensité de la réflexion …

Comme chez Dukas, l’œuvre débute par l’ouverture de la porte du château où règne l’ombre, et de même, elle est refermée à la fin – à l’orchestre, le thème initial et le thème final : c’est le château . Ce château apparaît comme l’âme de Barbe-Bleue, un poids l’écrase, et Judith, la dernière épouse, veut y faire entrer la lumière – la clarté, la vérité – sœur en cela, au départ du moins, d’Ariane . Proche aussi de la Senta de Wagner, Judith veut sauver le héros d’une malédiction ignorée . Sœur aussi d’Elsa (Lohengrin),elle veut « savoir » car « elle l’aime », davantage pour l’aider -du moins le croit-elle – que par curiosité . Rigide, parée de voiles blancs, « statue » de mariée- déjà.- quand elle pénètre dans le château, Judith , peu à peu, joue de son charme, de son corps voilé et plus ou moins dévoilé, cheveux défaits, caresses, baisers promis ou volés, alanguissements, tout un jeu de séduction et de gestes érotiques devant lesquels Barbe-Bleue, anxieux et ravi, cède ,ouvrant parfois lui-même les portes, mais :  « ne questionne pas », supplie-t-il sans cesse .

Malgré son angoisse grandissante, Judith poursuit sa quête inlassable, mêlant érotisme, compassion et curiosité, effrayée et excitée par ces murailles et ces objets qui saignent, ces soupirs, ces sanglots venus on ne sait d’où, ce lac de larmes – quelles larmes ? – répondant inlassablement à Barbe-Bleue qui la conjure de ne plus le contraindre, de ne pas questionner « pour toi, pour moi, pour nous »; -« c’est parce que je t’aime […] ouvre-moi toutes les portes, je suis toute à toi ! ». Et elle s’offre.., pour se dérober vers la nouvelle porte dès la clé obtenue, et faire entrer la clarté : « Mes bras ouverts t’attendent »,murmure Barbe-Bleue, mais quel qu’en puisse être le prix, désormais elle ira au bout de sa quête :  « Ouvre tes deux portes! […] Que je vive, que je meure ! » .

Chambre de torture, salle d’armes, jardin merveilleux, royaume, tout suinte de sang et laisse des traces sur la toilette blanche de la belle mariée ; même les bijoux splendides de la salle des trésors dont Barbe-Bleue se plaît à la parer, couronne, perles, pierres précieuses: les bijoux saignent .

Une brève détente laisse espérer une issue , lorsqu’après avoir ouvert la porte du lac de larmes, Judith, impressionnée, s’échappe furtivement et revient , en légère tenue de nuit, pieds nus, vers la chambre nuptiale ; mais la scène d’amour est interrompue brutalement par l’explosion soudaine d’une jalousie irraisonnée : « As-tu aimé d’autres femmes ? », et l’accusation terrible jaillit, fatale : « […] ce que cache la 7e porte : les cadavres des autres femmes ! »

Face au délire de Judith comparable à celui d’Elsa dans Lohengrin, Barbe-Bleue revêt solennellement son costume sombre du début, et tend la dernière clé . La rédemptrice espérée s’est métamorphosée en une vulgaire curieuse, jalouse de surcroît, Barbe-Bleue a encore perdu !

 

4) LA SEPTIEME PORTE OU LE PASSE STATUFIE .

 

« Va, ouvre, là sont toutes mes épouses »

Une chambre sombre , et Barbe-Bleue tombe à genoux, récitant le passé somptueux qui ressuscite alors que chaque femme, muette, sans nom, se présente, statue vivante parée comme une chasse ; Barbe-Bleue, dans un état de «rêve», précisé par la didascalie du texte, s’exprime alors avec un lyrisme éperdu :

« Elles sont belles, belles, merveilleuses. Elles furent toujours, vivent toujours. Elles ont amassé mes trésors, elles ont arrosé mes fleurs, elles ont étendu mon empire, tout leur appartient, tout . ».

«  Femme de l’aurore…, femme de midi…, femme du soir… », toutes ont conservé intacte leur place dans la mémoire de Barbe-Bleue. En ce moment d’exaltation, mais aussi de profonde émotion, il rend hommage à celles qu’il a aimées, sur de longues tenues d’accords parfaits joués pianissimo en trémolo . Paralysée d’angoisse et d’impuissance, Judith comprend alors, trop tard, le sort qui l’attend : elle supplie d’une voix de plus en plus faible, mourante, éteinte, puis se tait, endossant couronne et parures qui font ployer ses fragiles épaules, pour disparaître à la suite des autres, à la place qui lui était destinée de toute éternité, statufiée, muette, éternelle morte-vivante, « femme de la nuit… », la dernière, tandis que Barbe-Bleue, rejoint « l’ombre » – lui aussi devient statue .

«Et désormais ce sera toujours la nuit../.La nuit…la nuit…»[11]

murmure-t-il en se figeant, les yeux clos. La dernière épouse n’est-elle pas la Mort ?

Fascination de Judith pour Barbe-Bleue, fascination de la vérité, fascination de la mort? Des questions, toujours des questions…

Judith est parvenue, comme Ariane, à faire pénétrer « La Lumière » durant un moment dans le château maudit, mais ce n’est qu’une illusion, car l’ombre triomphe inéluctablement, l’énigme initiale n’est jamais tout à fait levée, le pessimisme est total . Est-ce Barbe-Bleue qui fait souffrir ses femmes ou l’inverse? L’orchestre harcèle, la femme ordonne, l’homme se recroqueville, et cela dans une demeure qui semble une allégorie de la vie antérieure de Barbe-Bleue.

Dans les deux œuvres, la beauté et la parure féminines, jouent un véritable rôle : Ariane se pare de diamants, les autres se laissent aller dans leur prison sinistre, pour renaître un instant, sous l’impulsion de leur sœur , avant de sombrer définitivement . Judith est parée deux fois par son époux, d’abord dans la salle des trésors où elle rejette vite les joyaux à cause du sang, puis dans la scène finale où elle n’a plus la force de les enlever , écrasée par ce poids de destin qu’ils symbolisent, et rejoint les autres statues enchaînées du passé, derrière la septième porte .

Dans chaque cas, il apparaît mortel pour l’amour de trop chercher à connaître l’autre , et il semble qu’il y ait des secrets à ne pas dévoiler . Drames de la solitude, de l’incompréhension, de l’incommunicabilité , dans l’œuvre de Bartok sans doute davantage encore que dans celle de Dukas .

 

5)-MUSIQUES DES AMES ET DES CORPS  .

 

« Voici : le chant s »élève,

Vous regardez, je vous regarde,

Le rideau de vos cils se lève :

Où est la scène : dehors ? dedans ? »

Bartok – Balàsz : Prologue du Conteur[12].

Portée par les sons, la figure d’Ariane domine totalement l’œuvre de Dukas . Barbe-Bleue reste toujours à l’arrière plan, dans l’action comme dans la musique . L’évolution est très différente dans l’opéra de Bartok . Judit chute, elle rate son itinéraire initiatique, et aboutit à une forme de mort programmée, tandis que l’image de Barbe-Bleue prend de plus en plus d’épaisseur, c’est lui qui irradie à la fin dans l’explosion des souvenirs transfigurés, même si les ténèbres l’absorbent à son tour .

Des longues déclamations mélodiques proches de Wagner et Debussy de Paul Dukas aux leitmotive de l’inconscient de Bela Bartok, la distance n’est pas si grande qu’il y parait . Le style des vieilles ballades populaires transparaît chez le compositeur hongrois et son librettiste dès ce Prologue parlé si étrange, qui déjà posait une question – énigme :

« Où est la scène : dehors ? dedans? »

Texte aussi obscur que le chant hors du temps des Filles d’Orlamonde qui hante l’opéra de Dukas, chant désuet et fragile comme ces gracieux corps de jeunes femmes, épuisées de langueur dans leur cave – tombeau…Toujours les portes, la mort, l’inconnu, le passé plus vivant que le présent…et la musique, telle une métaphore filée …«Le rideau de nos cils» s’est-il levé, comme nous le demandait le récitant du Prologue ? Celui des spectacles baissé nous laisse, lui, avec des questions toujours sans réponses et des images floues ou lumineuses de femmes très belles, parées – ou prisonnières – d’étoffes somptueuses et de pierreries étincelantes, figées dans une immobilité tragique . Envoûtées par un chant ou rendues muettes, elles gardent toutes leur regard uniquement tourné vers un passé à jamais perdu.

Marie-Bernadette FANTIN EPSTEIN     M.C.(Littérature Comparée) à l’Université de Toulouse II

 Ce  texte a fait l’objet d’une communication  lors de la Journée d’Etude :  » L’hétérogène – Corps de femmes « (avril 99) en LITTERATURE COMPAREE (Textes, Images, Musique ) U.T.M. et a été  publié in : «Des Femmes : écritures et images », Toulouse, PUM.(2004)

 

BIBLIOGRAPHIE

La Revue Musicale : article « Paul Dukas » .Paris, R.Masse, 1936.

La Revue Musicale : Hommage à RAVEL .Paris, R.Massé,1938 .

L’Avant-Scène Opéra : Paris, éd. Premières Loges, 1992, n°149-150.

Dukas, Paul :Chroniques musicales sur deux siècles -1892-1932. Paris, Stock,1979.

Dukas Paul : Correspondance. Paris, Biblio. Nat.,1965.

Samazeuilh, Gustave :Un musicien français, Paul DUKAS. Paris, Durand, 1913.. Favre, Georges :Paul DUKAS, sa vie, son œuvre . Paris, La Colombe, 1948.

Bartok Béla : Musique de la vie : autobiographie, lettres et autres récits, traduits et présentés par Philippe A. Autexier . Paris, Stock, 1980.

Bela Bartok vivant : souvenirs, études, témoignages, recueillis par Jean Gergely : Paris, POF, 1984.

Surrans, A.: Bartok et laFrance.( Institut Français de Budapest, 1993.

Citron,  Pierre : Bartok . Paris, Seuil, 1963.

Genève,  Max :Le Château de Bela Bartok .Paris, Zulma,1995.

Raphoz,  Fabienne : Les Femmes de Barbe-Bleue, une histoire de curieuses .Genève, Métropolis, 1995.

Soriano, Marc :es Contes de Perrault, culture savante et tradition populaire .Paris, Gallimard,1997.

Bettelheim, Bruno :Psychanalyse des contes de fées .Paris, Hachette, 1976.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Balàsz, Béla : A Kékszakàllù herceg vàra :«Le Château de Barbe-Bleue », traduction du livret de l’opéra en un acte et un prologue de Béla Bartok par Natalia et Charles Zaremba, L’Avant Scène Opéra,1992, p.101-127 .

[2] Offenbach, Jacques : Barbe-Bleue, opéra – bouffe sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halevy, représenté en 1866 . (Notons également sur ce sujet un opéra de A. E. Grétry, en 1789).

[3] Balàsz, Béla – 1884 – 1949 (Bauer Herbert, dit) : situé à la croisée du symbolisme et de l’expressionnisme, ce poète et dramaturge collaborait à la revue Nyugat qui réunissait la plupart des intellectuels hongrois de l’entre deux guerres autour de valeurs « occidentales » à la fois artistiques et politiques .

[4] Dukas, Paul : « Ariane et Barbe-Bleue . Moralité à la façon des Contes de Perrault », dans La Revue Musicale, 1936 .

[5] Maeterlinck, Maurice : Ariane et Barbe – Bleue, acte I, p.35-40 ; livret de l’opéra en trois actes de Paul Dukas (p.27-64) in l’Avant – Scène Opéra, n°149-150, 1992.

[6] Messiaen, Olivier : «  La Lumière luit dans les ténèbres… », article in l’Avant – Scène Opéra, p.19 .

[7] Maeterlinck,  Maurice : op.cit., acte II, p. 41-52 in L’Avant – Scène Opéra .

[8] Debussy, Claude : son opéra d’après la pièce de Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, date de 1902 . Le charme magique de la blonde chevelure de Mélisande est indissociable de son image ; l’opéra de Dukas montre ainsi un reflet à la fois poétique et musical de l’héroïne.

[9] Maeterlinck,  Maurice : op.cit., acte III, p.53-64 .

[10] Bartok, Béla : «  Hommage à Ravel  »,in La Revue Musicale, Paris, 1938 .

[11] Balàsz, Béla : in L’Avant-Scène,  op.cit. p.129 .

[12] Ce long Prologue de six strophes se récite rideau fermé et sans musique ( durant quatre strophes ) ; puis le thème inquiétant du château se dessine à l’orchestre, sous la voix du conteur qui appelle l’attention du spectateur : « La musique fuse, la flamme danse,/Que le spectacle commence, /Le rideau de mes cils est levé /[…]/C »est une bien vieille histoire, / Oyez-la vous aussi. » (op.cit. p.105).

Le Ring à Genève

UNE SEMAINE A GENEVE POUR LA REPRESENTATION DU RING

 

 

 

 

Du 11 mars au 18 mars  6 adhérents du Cercle Richard Wagner de Toulouse Occitanie ont assisté à Genève  à la représentation du Ring au Grand Théâtre de Genève.

 

 

 

 

 

 

Pour sa réouverture , le Grand Théâtre réhabilité et rénové a été inauguré en  février 2019 avec le premier cycle du « Ring des Nibelungen. »

Ce Ring est une reprise de la production de Dieter Dorn et Jürgen Rose de 2012/2013. Dans la fosse l’orchestre de la Suisse Romande est dirigé par Georg Fritzsch, le Chœur du Grand Théâtre de Genève
a été préparé par son chef, Alan Woodbridge .

Direction musicale Georg Fritzsch
Mise en scène Dieter Dorn
Décors & costumes Jürgen Rose
Dramaturgie Hans-Joachim Ruckhäberle
Lumières Tobias Löffler
Expression corporelle Heinz Wanitschek

 

 

 

 

Dieter Dorn

Georg Fritzsch

 

Nous avons été accueillis par nos amis suisses avec une grande amitié et une grande gentillesse qui nous ont  beaucoup touchés.

 

 

 

 

 

 

Si au début de notre séjour le temps était glacial et très gris, le soleil qui revint au cours de la semaine nous permit de découvrir cette belle ville calme et sereine, son centre historique où nous avions notre hôtel et les promenades autour du Lac Léman, site vraiment idyllique.

 

 

 

 

 

 

 

Le 12 mars prologue  avec Rheingold.

Wotan Tómas Tómasson
Donner Stephan Genz
Froh Christoph Strehl
Loge Stephan Rügamer
Fasolt Alexey Tikhomirov
Fafner Taras Shtonda
Alberich Tom Fox
Mime Dan Karlström
Fricka Ruxandra Donose
Freia Agneta Eichenholz
Erda Wiebke Lehmkuhl
Woglinde Polina Pastirchak
Wellgunde Carine Séchaye
Flosshilde Ahlima Mhamdi

Le plateau de chant était homogène, la mise en scène était sans grande originalité, la  direction d’orchestre manquait de nuances et les cuivres  de justesse à maintes reprises, demain la Walkyrie….

Le 13 mars  première journée avec la Walkyrie

Siegmund Will Hartmann
Wotan Tómas Tómasson
Hunding Alexey Tikhomirov
Sieglinde Michaela Kaune
Brünnhilde Petra Lang
Fricka Ruxandra Donose
Gerhilde Katja Levin
Ortlinde Marion Ammann
Waltraute Lucie Roche
Schwertleite Ahlima Mhamdi
Helmwige Karen Foster
Siegrune Héloïse Mas
Grimgerde Rena Harms
Rossweisse Roswitha Christina Müller

La mise en scène de Dieter Dorn est  d’une grand lisibilité, épurée et très esthétique.

Tomas Tomasson campe un Wotan aux qualités scéniques et vocales remarquables.

 

 

 

Petra Lang est une Brünnhilde pleine d’énergie et sa voix qui  n’a rien perdu de sa puissance nous captive. On peut regretter au premier acte un Siegmund très faible, mais qui se rattrapera deuxième acte. La direction de Georg Fritzsch à qui on a reproché   de faire de la musique de chambre, enflamme au contraire l’orchestre..

Le 15 mars : deuxième journée avec Siegfried.

Siegfried Michael Weinius
Mime Dan Karlström
Der Wanderer Tómas Tómasson
Alberich Tom Fox
Fafner Taras Shtonda
Erda Wiebke Lehmkuhl
Brünnhilde Petra Lang
L’Oiseau de la forêt Uliana Alexyuk

Michael Weinius

Très bonne surprise avec Michael Weinius qui campe un Siegfried plein d’émotions avec une voix très juste, peut être avec un manque de puissance, mais on a déjà entendu de tellement mauvais Siegfried..Sa corpulence enlève peut être aussi un peu d’énergie à l’ensemble du premier acte, mais ne soyons pas toujours trop critique….. La scène des questions entre Mime, Dan Karlström et le Wanderer, Tomas Tomasson est impressionnante et reflète parfaitement la parfaite direction d’acteur qui nous donnera un splendide duo entre Alberich, Tom Fox et le Wanderer.

 

 

 

 

        

Dan Karlström                                                                                  Tom Fox

La mise en scène reste toujours aussi lisible, claire et poétique. Rien de bien nouveau certes mais cela fait du bien de ne pas passer son temps à deviner les lectures des metteurs en scène…Le dernier acte avec le réveil de Brünnhilde est très fort et intense, Petra Lang joue de sa voix ample et puissante. La direction d’orchestre de Georg Fritzsch amplifie les émotions ressenties. Une belle ovation bien méritée!!!!!

Le 17 mars en matinée, dernière journée… déjà…

le Crépuscule des Dieux

Siegfried Michael Weinius
Gunther Mark Stone
Hagen Jeremy Milner
Alberich Tom Fox
Brünnhilde Petra Lang
Gutrune Agneta Eichenholz
Waltraute Michelle Breedt
1ère Norne Wiebke Lehmkuhl
2ème Norne Roswitha Christina Müller
3ème Norne Karen Foster
Woglinde Polina Pastirchak
Wellgunde Carine Séchaye
Flosshilde Ahlima Mhamdi
Deux chasseurs Rémi Garin & Peter Baekeun Cho

Dès l’ouverture nous sentons que l’orchestre va vibrer et se déployer. Le décor toujours aussi pur, simple mais tellement juste accompagne les chanteurs et sous-tend notre émotion. Petra Lang jusqu’à l’immolation avec sa voix » aux graves de velours et aux aigus vif argent » campe une Brünnhilde amoureuse, blessée, vengeresse. Michael Weinius est Siegfried, son jeu d’acteur est parfait et sa voix juste et héroïque.

Gudrun incarnée par Agneta Eichenholz donne à son personnage beaucoup de profondeur et de classe.

 

Hagen et ses chasseurs tous de noir vêtus donnent à la scène de la mort de Siegfried une sourde sauvagerie. Le monde des dieux et des humains est englouti dans le Rhin et le dernier thème de la rédemption se joue alors que la scène se vide totalement, ce n’est plus que le néant.

La salle applaudit debout. Quelle réussite!

Annie Lasbistes, Mars 2019,

avec le concours d’Anne-Elizabeth Agrech

 

Tristan et Isolde à Montpellier

On doit à Valérie Chevalier,

Directrice de l’Opéra de Montpellier

d’avoir relevé le défi de monter

Tristan und Isolde

en version concert

au Corum.

Le dimanche 20 janvier   7 adhérents du Cercle Richard Wagner de Toulouse Occitanie assistaient à la représentation.Karen Cargill, à gauche , Brangaene,    Katherine Broederick , à droite, Isolde

Katherine Broederick dont la prise de rôle d’Isolde  a permis de découvrir une Isolde à la puissance et présence scénique admirables, une voix magnifique de clarté et de souplesse. Des adhérents toulousains se souviennent de l’avoir entendue et remarquée dans le Ring de Karlsruhe au printemps 2018 dans le rôle de Sieglinde.

Stefan Vinke,Tristan(photo Marc Ginot)

Stefan Vinke, heldentenor, trouvera sa plénitude au 3ème acte, après s’être économisé un peu lors des deux premiers.

Stephen Milling, le roi Marke

Stephen Milling est un roi Mark à la voix très chaude et pleine de nuances, très émouvant.

Pour les autres rôles, le Kurwenal de Jochen Kupfer en impose à tous et la Brangäne de Karen Cargill, malgré un timbre magnifique nous gêne u n peu avec ses émissions nasales : son appel, au deuxième acte manque de souffle et de volume, sans doute parce qu’elle est placée en retrait dans une encadrure de porte.

Mention très bien pour l’orchestre de Montpellier Occitanie qui joue avec une ferveur et une expressivité remarquables sous la baguette de Michael Schoenwandt.