Du 26 juillet au 29 juillet 2018 l’une de nos adhérentes, Anne Laure Ghedin a participé au festival d’ERL et a assisté au Ring. Le festival d’Erl est fréquenté par des habitués tant côté spectateurs qu’interprètes.
Le festival d’Erl au Tyrol a été fondé en 1997 par Gustav Kuhn.
Il se déroule chaque année pendant 25 jours dans le Passionsspielhaus et la Nouvelle Maison du Festival, deux salles étonnantes dans un écrin de verdure en pleine campagne au sein des Alpes tyroliennes. On commence même à l’appeler « le nouveau Bayreuth ».
Le Ring y est donné depuis 2003 en un seul cycle. C’est un énorme travail de mise au point pour une seule représentation de cycle et dans des conditions financières périlleuses, ce qui nécessite de reprendre la même production tout en engageant souvent les mêmes interprètes. Gustav Kuhn le chef d’orchestre et metteur en scène est un véritable homme orchestre et cette année encore il a repris cette production du Ring.
Anne Laure Ghedin vous offre son ressenti, ses émotions dans le compte rendu de son voyage à travers le Ring au festival d’Erl :
L’OR DU RHIN
L’Or du Rhin se déroule dans la Passionsspielehaus, que je connaissais déjà pour y avoir assisté à la répétition générale du 3 ème acte de Tannhäuser fin juin lors du Congrès International des Cercles Richard Wagner. Le confort n’y est pas trop au rendez vous!
L’orchestre dirigé par Gustav Kuhn est sur scène derrière les chanteurs : il sonne très bien et le plateau vocal est particulièrement homogène, nous n’avons pas de grandes pointures internationales mais tous sont extrêmement investis. La mise en scène très avant-gardiste, sans décor, ne me heurte pas trop. Les costumes sont contemporains, les filles du Rhin dans de superbes robes du soir sont perchées sur de hautes échelles qui sont ensuite montées dans les cintres. Tous les rôles masculins sont en sportifs, les géants hockeyeurs, mais aussi golfeurs et haltérophiles … de petites enclumes ont été disposées sur les marches tout le long des grands murs latéraux de la salle des deux côtés de la scène et l’or battu depuis là. De grandes poutres sont descendues à des niveaux différents, toujours des deux côtés de la scène pour simuler à ce moment là, une forge. Rien n’était choquant mais particulièrement étonnant à mes yeux de spectatrice.
APAFotoservice/Festspiele Erl/Franz Neumayr
J’ai retrouvé autour de moi de nombreuses personnes que j’avais déjà rencontrées lors de la représentation du Ring à Karlsruhe en mars dernier.
LA WALKYRIE
Le lendemain je me retrouvai avec enthousiasme pour la première journée du Ring avec la Walkyrie.
L’orchestre fut brillantissime, 6 harpes, 10 contrebasses, toujours face au public, étonnant!
Les deux premiers actes rien de très spectaculaire, Wotan, Wladimir Baykov tue Sigmund, Andrew Sritheran avec une arme à feu mais le glaive reste présent. Le 3ème acte fut flamboyant : tous les costumes en tissu lamé et argenté de tons différents, les Walkyries arrivent, des vélos argentés sous le bras qu’elles chevauchent ensuite longuement en décrivant un grand cercle sur scène! Siegelinde, Magdalena Anna Hofmann, arrive, comme morte en travers d’un grand cheval stylisé en carton. La scène finale était magnifique : à la demie ouverture du rideau apparait une estrade en forme de cercle sur laquelle s’est allongée Brünnhilde ; le baiser de Wotan, le dépôt des attributs de Brünnhilde par des enfants sortis de scène, ensuite l’ouverture en grand du rideau et les harpistes de part et d’autre habillées de tissus lamés couleur flamme est très envoûtant. Des jeux de lumière toujours superbes donnaient de la vie à cette mise en scène sans décor. Et le plateau de chant toujours aussi homogène était vraiment superbe.
SIEGFRIED
Déjà la troisième journée, je me rends sur le site du festival, il fait toujours aussi beau, le paysage des Alpes est toujours aussi merveilleux.
Me revoilà installée sur ces sièges bien inconfortables, mais au 3ème jour les lombaires sont habituées!
La mise en scène de ce Ring, bien qu’assez minimaliste puisque pas de décor en fond de scène, suit de très près le livret. Pas d’interprétation du livret, pas de contresens pas de divagations du metteur en scène!
Siegfried, Gianlucca Zampieri arrive tout au début de l’acte I avec un grand ours en carton mâché stylisé ( style origami) Il dialogue avec un oiseau identique qui tombe des cintres suspendu à un fil. Le dragon assez bien réalisé en tissu peint hérissé de piques est très bien rendu.
Les voix étaient toujours aussi belles, Brünnhilde, Nancy Weissbach en particulier a été ovationnée. Au début du 3ème acte j’ai eu très peur car 20 hommes habillés de noir descendent de tout en haut des gradins avec de grandes torches enflammées…..ils sont lentement descendus sur la scène pour y décrire deux cercles de feu…Leurs pas étaient lents et coordonnés : visuellement c’était magnifique, j’ai tout de même pensé au danger potentiel dans ce théâtre tout en bois à l’intérieur. Le réveil de Brünnhilde m’a transcendée, cette merveilleuse musique du thème de l’amour arrachait les larmes.
Quand le rideau est tombé le public s’est levé et a ovationné les interprètes et l’orchestre dirigé par Gustav Kuhn qui nous a offert une musique puissante mais nuancée et tellement brillante.
LE CRESPUCULE DES DIEUX
Le rendez vous pour la représentation de la dernière journée du Ring était à 11h du matin!
Nous nous retrouvons dans la Passionsspielhaus pour le dénouement, la catastrophe finale.
Musicalement la 3ème journée dépasse encore les précédentes et l’orchestre donne toute sa magnificence. Tous les motifs précédemment exposés s’enchaînent, c’est un véritable bonheur musical, cet orchestre me transcende!
Le spectacle est total, incessant et toujours en accord avec le livret.
Les trois Nornes tirent des câbles entre les arbres stylisés puis les rembobinent. Arrive le long duo d’amour entre Siegfried et Brünnhilde qui se conclue par la remise de l’anneau. Siegfried quitte la scène en remontant les gradins de la salle précédé et suivi par des enfants semblant porter un bâteau tandis que Brünnhilde le salue longuement au son du cor.
Gunther, Gutrune et Hagen conversent et montent leur plan abominable l’orchestre se déchaine. Siegfried boit le filtre de l’oubli, demande la main de Gutrune et scelle le pacte en faisant couler le sang dans des calices qu’ils mélangent et boivent.
La scène entre Brünnhilde et Waltraute est déchirante, Waltraute arrive en descendant les gradins suivie d’un long tissu rouge du plus bel effet. Au départ de Waltraute un groupe d’ hommes habillés de gris munis de lances et de boucliers ronds ( toujours style origami) représentent le chœur des chasseurs, l’effet est très beau .
A nouveau 20 hommes descendent des gradins, torches allumées.
Les filles du Rhin dans la scène finale reviennent perchées sur leurs échelles et des figurants portant des bacs carrés enflammés qu’ils déposent sur le devant de scène me font une fois de plus frémir car les filles du Rhin avec leurs robes vaporeuses et très amples virevoltent à proximité!!!
L’orchestre résonne magnifiquement, un splendide vaisseau sonore omniprésent derrière son rideau de gaze, mais mis en valeur par des jeux de lumière le faisant apparaitre selon les moments sur fonds de couleurs vives surmonté par les 6 harpes dressées comme des mâts à l’horizon.
Le plateau vocal toujours aussi assez homogène à l’exception de Siegfried qui a été défaillant à plusieurs reprises dans ses aigus! mais nous oublions trop souvent que ces chanteurs sont soumis à rude épreuve.
Cela n’entachera pas l’ensemble de ce spectacle d’un excellent niveau, très fidèle au livret et cette musique envoûtante qui nous donne une dernière fois les thèmes du Walhalla, des Filles du Rhin, de la Détresse et de la Rédemption .
Les lumières s’éteignent doucement, un long silence s’installe, puis les applaudissements jaillissent et les bravos furent longs et nourris, les wagnériens sont heureux…nous venons d’assister à un très beau Ring.
Anne Laure Ghedin
avec la collaboration d’Annie Lasbistes et Anne-Elizabeth Agrech