L’opéra d’Etat de Hambourg a ouvert cette saison par un Parsifal mis en scène par Achim Freyer et dirigé par Kent Nagano,
avec
- Andreas Schager, Parsifal
- Kwangchul Youn, Gurnemanz
- Claudia Mahnke, Kundry
- Vladimir Baykov, Klingsor
- Wolfgang Koch, Amfortas
J’ai assisté à la représentation du samedi 30 septembre.Cet article étant le premier que je rédige pour le CRWT, je regrette qu’il le fut avec une acrimonie certaine pour une représentation qui fût pour moi non seulement un échec mais encore un massacre patent.
Le rôle éponyme fut tenu par le heldenténor autrichien : Andreas Schager, interprète remarquable de Siegfried notamment… ce qui me faisait craindre pour la ductilité de son chant…. Il jouait Parsifal cet été aussi à Bayreuth – et y sera aussi aux saisons prochaines, ainsi qu’à Bastille prochainement. Quand bien même son incarnation du chaste Fol fut parfaite dans le 1 (arrivée sur scène avec des culbutes) : insouciance, naïveté, innocence, fraîcheur,… la voix fut trop grande pour le rôle et manquait de ductilité, de douceur et de fragilité dans le 1 et le 2. Plus grave encore : dans le 3 (air final tant attendu) : des départs faux (deux ou trois) mais assez pour provoquer une grimace chez votre serviteur. Andreas va chanter Parsifal à Paris…
L’artiste le plus impressionnant sur scène était tout autre: la basse coréenne Kwangchul Youn dans Gurnemanz : une voix et une respiration apparemment illimitées. Il nous a enchantés.
Quand à Kundry, ce rôle de féminin si complexe…
Elle fut interprétée par Claudia Mahnke qui reprit le rôle chanté à l’Opéra de Frankfort en 2015. Son incarnation est trop sage, pas assez de folie, de raucités, de rage ou de feu… par conséquent tous ces cris furent ratés…tombant à plat…ah comme je regrette Waltraud ou Martha!
Le rôle de Klingsor fut aussi très bien servi par Vladimir Baykov, totalement investi dans son rôle (même si la scénographie lui a fait perdre toute crédibilité…nous y reviendrons).
Amfortas a, quant à lui, été interprété par Wolfgang Koch. Malheureusement pour nous, son chant manquait de projection et la souffrance voulue par ce rôle (un de mes préférés dans l’œuvre du Maître) était imperceptible. Grande déception par conséquent.
Autre déception : la direction plate de Kent Nagano (surtout au premier acte)…nous étions pourtant au 3e rang , plein centre… manque de lyrisme, des tempi parfois trop amples et moins habités, certains départs faux (hautbois et flûte solo), cloches peu impressionnantes… visiblement un manque de répétitions…ou un dégraissage volontaire afin d’ôter le mysticisme de l’œuvre pour mieux coller à la vision de Freyer ?
Venons-en justement à la mise en scène… ou plutôt à la mise en carnage.
Ayant souvent fermé les yeux pour ne pas être trop déstabilisé par ce « spectacle » je relaterai ici ce que ma curiosité m’a autorisé à voir.
La scène était complètement recouverte par un tulle qui couvrait orchestre et cadre de scène.
Sur le fond et les côtés : une haute spirale (du plancher jusqu’au plafond), recouverte de miroirs afin de refléter certains passages. Sur cette spirale, les personnages se meuvent comme sur des rails et comme les éléments d’une horloge astronomique. Tout autour des symboles kafkaesques…autant d’interrogations inutiles faisant perdre le fil conducteur…
Tous les personnages sont grimés de manière très graphique et leurs maquillages très tranchés ne permettent pas de voir leurs expressions faciales (occultée en sus par le tulle).
Freyer a fait reposer la gestuelle de ses personnages sur un mode wilsonien (on aime ou on déteste…je déteste), faisant allusion au théâtre Kabuki. Les personnages et leurs accessoires sont et inutilement absurdes et grotesques.
En vrac : Parsifal est une sorte d’Arlequin qui n’évolue pas durant les trois actes (il reste un fol jusqu’à la fin). Gurnemanz porte une double tête (la seconde étant juchée sur une spirale), un œil gauche placé plus haut que le droit, Klingsor est grimé comme le Joker ou comme…Donald Trump, et porte une immense cravate, un costume haut en couleurs et tire constamment la langue, Amfortas entre en scène sur un pilori (le corps de l’interprète se cachant derrière un corps en carton), les filles-fleurs sont affublées de seins russmeyeriens, disproportionnés, et arborent des corps rose vifs (quelques rires non retenus de la salle à leur apparition). Le Graal est une petite fille à la tête hypertrophiée, caressant une figurine en forme de lapin (allusion à la mise en scène de Schliegensief ?)
Quelques bons moments (rares) : les arrivées de Kundry semblant voler, les jeux de ballons multicolores lors de la scène des filles fleurs, le costume de Kundry, … et, surtout, la fin de la représentation (lorsque nous avons pu enfin quitter la salle pour nous extraire de cette pitoyable prise en otage du public par un metteur en scène fantasque).
Daniel Martinoles , le 3 octobre 2017