Le 19 octobre dernier, le Festival Musique en Vignes dans le Frontonnais proposait, à Fronton, au château Cassin, un de ses concerts de sa saison 2019 sur le thème Wagner à Venise.
Ce concert conçu par Eric Lesage avec la complicité de Bernadette Fantin Epstein adaptait pour une formation étonnante de musique de chambre, piano, violon, violoncelle et mezzosoprano, des musiques de Richard Wagner et visitait des musiques de différents compositeurs qui avaient compté pour Richard Wagner ou qui l’avaient admiré, compositeurs tous amoureux de l’Italie et de Venise.
Le Cercle Richard Wagner de Toulouse Occitanie, à cette occasion avait organisé un déplacement dans le Frontonnais qui a réuni une trentaine de personnes, des membres du CRWT mais également de la Dante Alighieri, de l’Université Populaire du Grand Toulouse et de l’association Contre Ut.
Ce petit voyage commença par une halte au restaurant recommandé par Eric Lesage, dans un environnement champêtre, l’Etang d’O à Villemur pour profiter d’un moment de détente et d’un repas convivial et agréable.
Puis le groupe prit le chemin du Château Cassin pour goûter aux nourritures spirituelles avant de découvrir les vins du Frontonnais produits par nos hôtes, la famille Cassin et de s’en retourner vers Toulouse.
Mais le point d’orgues de la journée était le récital, offert par l’association FFFP, fondée en 2003 par Eric et Céline Lesage et présidée par Jacqueline Coquet, dans un des grandes salles du Château Cassin.
Eric et Céline Lesage
Le concert était présenté par Bernadette Fantin Epstein.
Michel Olivié le secrétaire général du Cercle de Toulouse nous en remémore les temps forts et l’évoque avec poésie dans la chronique ci-après.
Concert du Trio Lesage et Cristelle Gouffé dans le cadre des Musique en Vignes 2019.
Le programme élaboré par Bernadette Fantin-Epstein et Éric Lesage au Château de Cassin intitulé Une promenade autour de Wagner, de Bayreuth à Venise et qui se distinguait par nombre de transcriptions réalisées par le musicien présent, ce 19 octobre 2019 était d’une grande pertinence de par l’agencement des œuvres qui se sont succédées.
La première œuvre fut Souvenirs de Bayreuth : Quadrille échevelé sur les motifs favoris de l’Anneau du Nibelung de Gabriel Fauré et André Messager, pour piano à quatre mains et interprété avec verve par Éric et Clarisse Lesage. On reconnaît au passage, tant l’œuvre à hâte de couvrir toute la Tétralogie, le Hojotoho ! de Brünnhilde, la chevauchée des Walkyries, le Tarnhelm, Siegmund, etc. Pour arriver au sprint final des Filles du Rhin.
Clarisse Lesage quitta le piano pour interpréter au violoncelle, pendant que son père tenait la partie d’orchestre au piano, La romance à l’étoile, tiré de Tannhäuser. Cette romance Marcel Beaufils la désigne comme ‘’l’antichambre fastueuse’’ de la scène suivante qui verra le retour de Tannhäuser de son pèlerinage à Rome. Derrière la parfaite ligne musicale tenue au violoncelle il fallait entendre les paroles de Wolfram von Eschenbach : « Comme un pressentiment de mort, le crépuscule recouvre la contrée, enveloppant le val De ses voiles noirs … » et Elisabeth est comparée à l’étoile du soir, qui, comme elle, est promise à l’éloignement de cette terre. Tannhäuser est une œuvre empreinte de secrets mystiques. On ne pouvait qu’y penser lors des dernières notes du violoncelle.
Vint alors sur la scène la jeune mezzo-soprano Cristelle Gouffé au charme parfaitement en harmonie avec les deux Wesendonck Lieder qu’elle interpréta : Im Treibhaus (Dans la serre) et Stehe Still (Ne bouge pas). La voix est magnifique, de couleurs toujours justes par rapport au texte, et bouleversante d’assombrissement lorsque l’on entendit les derniers vers de Dans la serre :’’Tout devient calme. Un bruissement anxieux remplit la pièce obscure. Et de lourdes gouttes, je le vois, se gonflent aux bords verts des feuilles.’’
Le chant du printemps de Siegmund à la fin du premier acte de La Walkyrie fut interprété au violon par Céline Lesage (sur l’arrangement d’Hermann Gärtner). Puis le Trio Lesage termina cette première partie en apothéose avec l’ébouriffante Danse des apprentis du premier acte des Maîtres chanteurs et le majestueux cortège des Maîtres du même opéra.
La deuxième partie du programme rassemblait des œuvres autour de Wagner et l’Italie, dont Bernadette nous rappela les lignes biographiques, montrant l’importance de ce pays pour le compositeur. C’est donc par rapprochement qu’il fallait entendre les deux pièces pour piano de Franz Liszt, comme une marque d’affection de Liszt pour Wagner : Gondolera et Venise et Naples jouées par Éric Lesage, par lesquelles nous retrouvons le chant articulé, détaillé, des mélodies courtes et ondoyantes, toutes d’émotion, instaurant tout à coup une atmosphère automnale dans la salle du château.
Les quatre artistes interprétèrent ensuite La romance du saule, l’air de Desdemone de l’Othello de Rossini.
La passion de Wagner pour le Don Giovanni de Mozart justifiait heureusement la prestation que Cristelle Gouffé donna l’aria de Zerline au premier acte : ‘’Batti, batti’’, épaulée par le trio Lesage.
Puis ce fut le retour à Gabriel Fauré, sans doute plus proche, en tant que compositeur, de Liszt que de Wagner. Il fut le seul, contrairement à Chabrier, Saint-Saëns, Messager, Chausson, d’Indy, et même au jeune Debussy, à ne pas céder à l’influence wagnérienne. Mais Fauré fit de multiples voyages wagnériens, dès 1879 à Cologne avec Messager pour entendre L’Or du Rhin, en septembre de la même année ils firent le voyage à Munich pour écouter intégralement La Tétralogie. En 1888 il assista au Parsifal de Bayreuth d’où il sortit ‘’les os brisés’’. Ce fut donc une admiration durable.
Éric et Clarisse Lesage nous firent alors entendre la belle Elégie pour violoncelle et piano. Vladimir Jankélévitch qualifiait Fauré de musicien du secret, et il y avait une telle impression à l’écoute des traits langoureux que Clarisse sut faire exprimer à son instrument.
Les quatre musiciens se réunirent une dernière fois pour interpréter Après un rêve, l’une des trois mélodies de l’opus 7 de 1878. Du chant de cette mélodie, toujours Jankélévitch, dit qu’il ‘’plane comme un grand oiseau noir au-dessus des basses’’. Ce fut une conclusion laissant à la fois ému et mélancolique : les vignes commencent à prendre leurs couleurs d’automne.