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Echos du Festspielhaus de Bayreuth 2018 : le Vaisseau Fantôme

En cette année 2018, trois de nos adhérents, Christian et Liliane Lalaurie, adhérents depuis la création du Cercle, il y a 25 ans, et Flavio Bandin, l’un des administrateurs de notre Cercle, se sont rendus à Bayreuth et nous font part de leur impression sur deux des opéras donnés cette année au Festival de Bayreuth.

Voici celle de Flavio Bandin pour le Vaisseau Fantôme.

Der Fliegender Holländer – 7 août 2018

Se déplacer à Bayreuth, monter la colline verte, est un rituel non exempt d’une touche de magie. L’on se prépare, l’on se recueille, l’on attend. Comme dans un pèlerinage, l’on attend la rédemption par la musique.

Tout y a été conçu pour l’épanouissement de la musique, que pour la musique. On est mal assis, on a chaud mais l’on ne s’aperçoit pas tant que l’alchimie fonctionne.

Répondant à l’appel du cygne, je me suis rendu à Bayreuth cet été. N’étant pas arrivé à l’état d’ivresse qui vous fait plonger au plus profond de vous-même, je suis revenu au Festspielhaus m’embarquer dans un vaisseau au milieu de la tourmente. Dans une chaleur accablante, malgré une profusion des ventilateurs, le vaisseau n’a jamais pris le large et j’ai fini par avoir très mal au dos.

Immense consolation, la qualité de l’orchestre, sous la baguette d’Axel Kober, des chœurs éblouissants dirigés par Eberhard Friedrich et un plateau vocal homogène dont excellent John Lundgren dans le rôle du Hollandais, Ricarda Merbeth dans celui d’une Senta défiante, révoltée et Peter Rose qui joue un Daland cupide et sombre à la fois

Bien que les sujets de l’errance, le désespoir, la cupidité et enfin la fidélité soient traités, la représentation visuelle ne correspond pas avec le récit.

Peter Rose, Rainer Trost, John Lundgren

Le Hollandais apparait comme un riche capitaliste prisonnier dans un monde aseptisé, géométrique, surveillé. Blasé, anesthésié, égocentré, sans amour, il écoute et suit les chants de sirènes des hallucinogènes pour s’évader. Des compteurs marquent le temps qui passe, les vies sacrifiés ? Un compte à rebours dont l’argent ne peut rien. Il porte une valise pleine, un boulet l’empêchant toute rédemption.

Sa blessure devient fêlure par laquelle un personnage rusé, ambitieux, sans scrupules tel Daland pourra y rentrer pour arriver à ses fins. En difficulté financière, l’affaire de Daland, une usine fabriquant des ventilateurs est en danger.

Ricarda Merbeth, John Lundgren

Christa Mayer

Dans cette modernité qui tue le mythe, dénature la légende, à quoi sert-il de continuer à utiliser la femme comme monnaie de change ? Les temps sont révolus et Senta s’insurge, se révolte puis le mystère, la fêlure de cet homme la séduisent. L’amour nait, les choses tournent trop vite, plus vite que prévu. Tout bascule et comme un prélude de l’anéantissement qui nait des situations impossibles (récurrent chez Wagner) le suicide s’impose.

Dans une société qui tire profit de toute situation, la construction d’une légende comme c’est ici le cas, donnera naissance à des figurines des amants suicidés. Les fileuses d’hier sont devenues les ouvrières qui empaquètent dans les usines d’aujourd’hui. L’affaire de Daland est bien florissante, le capital sauvé. L’on ne peut pas arrêter le progrès.

Flavio Bandin

 

CRWT :